Colomba pasquale fatta in casa (Colombe de Pâques faite maison)

Depuis peu, grâce aux importations de quelques entreprises innovantes, les Français ont fait connaissance avec un gâteau de la tradition italienne, une sorte de brioche en forme de colombe, consommée à Pâques. De ce fait, il m’est arrivé d’être questionné sur sa forme, son origine, et son goût, « qui est comme celui du panetton(e), n’est-ce pas ? » J’avoue qu’e ‘en dehors de sa saveur – qui diffère tout de même de celle du panettone (à prononcer avec le e final) – j’avais quelques lacunes sur le sujet. J’ai alors remis les pendules à l’heure pour bien expliquer et distinguer ce qui est historiquement fiable de ce qui est carrément inventé, ou bien relève du simple expédient commercial…

Le symbole. On commence avec le Déluge biblique, tel qu’il est raconté dans la Genèse (8,11). C’est en fait une colombe blanche qui revient vers l’Arche de Noé apportant dans son bec un rameau d’olivier (message divin), et vient annoncer le retrait des eaux. Quelques siècles plus tard, dans l’Evangile selon Matthieu (3,16), Jean-Baptiste voit la colombe descendant du ciel lors du baptême du Christ. Et au Moyen Age, les codex enluminés utilisent la colombe non seulement comme symbole du baptême, mais aussi pour représenter l’Annonciation et l’icône de l’Esprit Saint. Mais il ne faut pas oublier que la colombe est aussi un symbole païen. Dans la culture gréco-romaine, les fidèles offraient des colombes en sacrifice à Aphrodite, la déesse de l’amour.

La recette. A l’aube de la Renaissance, les Vénitiens mangent aux mariages et à Pâques une brioche qui n’a pas encore la forme de la colombe actuelle, mais qui est comme elle levée, enrobée de sucre, et enrichie d’oeufs, de beurre, d’épices, de fruits confits et de raisins secs, des condiments typiques que l’on trouve dans la Sérénissime grâce au commerce avec l’Orient. De nos jours, en Vénétie, on a encore une « fugasse vénitienne », produit non réglementé, qui peut varier considérablement d’un artisan à l’autre (ce qui est aussi le cas pour la colombe d’ailleurs).

La classe italienne. Celui qui, au XXe siècle, a imaginé la colombe levée, telle que nous la connaissons, est Dino Villani, un publicitaire, né dans la région de Vérone en 1898, à l’esprit fertile et innovateur. Directeur de la publicité de Motta (géant de l’alimentaire italien), il a recours à des gimmicks modernes : design accrocheur du logo, lancement de campagnes que l’on qualifierait de « virales » aujourd’hui. Alors que l’entreprise était déjà forte de son panettone (gâteau du Noël de Milan par excellence), c’est lui qui, au début des années 1930, a l’idée d’utiliser les mêmes machines et à peu près la même recette pour Pâques.

Quelle différence avec le panettone ? Et bien, la colombe ne comprend que des fruits confits, généralement de l’orange, et pas de raisins secs. La surface de la colombe exige un glaçage à base de blanc d’œuf, d’amandes et de sucre cristallisé, ce qui n’existe aucunement pour le panettone. Depuis 2005, le gouvernement italien a officialisé le fait qu’il s’agit de deux desserts distincts.

Alors, si vous voulez tenter votre chance en réalisant une colombe faite maison, je vous préviens. C’est un travail exigeant, qui demande beaucoup de patience, et il n’est pas sûr que vous réussissiez de prime abord (ce qui fut mon cas). Cela dit, la récompense finale sera à la hauteur de vos efforts.

Procurez-vous de la farine Manitoba (parfois vendue comme de la farine pour faire de la pizza), d’une très grande valeur boulangère, en comparaison aux farines classiques, ce qui lui confère une capacité à supporter des temps de levée très longs. Si vous n’en avez pas, vous pouvez utiliser de la farine T55. Quoi qu’il en soit, il vous faudra une farine forte avec un « W » élevé, avec… 

… de la levure boulangère fraîche…

… du lait entier à température ambiante…

…et de l’eau tiède.

Mélangez le tout dans un bol, jusqu’à obtenir une pâte lisse et hydratée. Couvrez le bol avec du film alimentaire, et laissez reposer la pâte deux heures dans le four éteint avec la porte entrebâillée et la lumière allumée.

Quand la pâte sera levée, mettez-la dans la pétrisseuse avec le fouet en forme de K, à vitesse modérée, et ajoutez, au fur et mesure, le sucre, encore de la farine…

… l’oeuf, et puis le beurre, qui devra être mou. Attention : intégrez le beurre morceau par morceau, en attendant que chacun d’entre eux soit bien malaxé dans la pâte. Quand elle restera accrochée au fouet, le travail sera terminé.

Attention à nouveau : la pâte et le moteur de la machine ne doivent pas chauffer, sinon la levure ne fonctionne plus et, par conséquent, la colomba ne lève pas ! Donc si vous sentez au toucher que la pâte chauffe, éteignez tout et attendez un peu. Finalement, étalez la pâte sur un plan de travail (possiblement) froid, et travaillez-la encore un peu à l’aide d’un racloir en acier, en lui donnant une forme sphérique.

Posez la boule de pâte dans un bol, couvrez le tout avec du film alimentaire, et laissez reposer dans le four pendant trois heures. La pâte aura normalement doublé de volume.

Il faut alors remettre la pâte dans le robot pétrisseur (avec le fouet à crochet), et ajouter le sucre…

…la farine, l’oeuf, le sel…

…et le beurre, morceau par morceau.

Ce n’est pas fini. Pour rendre la pâte plus parfumée, ajoutez de la marmelade d’orange et des zestes de citrons et oranges confits. Après quoi, posez la boule sur la planche de travail, et façonnez-la avec de la farine, en l’aplatissant doucement avec les mains avant de faire des plis de renforcement en ramenant les bords extérieurs vers l’intérieur.

Pour terminer, mettez à reposer la pâte dans le four pendant une heure. Laissez-la encore lever puis mettez-la au réfrigérateur pendant 16 heures.

Le lendemain… pendant que la pâte se rafraîchit les idées, on pourra s’attaquer au glaçage, avec l’écorce râpée d’un citron et de deux oranges, une cuillère de miel, de l’arôme de vanille, du rhum brun…

…des amandes décortiquées (à moudre)…

… des noisettes (à moudre elles aussi)…

…de la farine T45…

…de la farine de polenta fioretto

…du sucre, de la fécule de pommes de terre (ou de l’amidon de maïs) et de blancs d’oeufs.

Mélangez le tout dans un bol à l’aide des fouets électriques, jusqu’à obtenir une préparation qui ressemble à de la crème pâtissière. Faites reposer au réfrigérateur.

Revenons à la pâte. Au bout de 16 heures, sortez le produit du réfrigérateur et placez-le à température ambiante pendant environ 1 heure. Transférez la pâte sur le plan de travail légèrement fariné : elle sera assez hydratée, mais encore froide et « facile » à travailler. Diviser la pâte en deux parties : celle plus volumineuse, qui servira à former le corps, et l’autre plus petite, qui servira à former les ailes de la colombe. De toute façon le modus operandi est le même. Aplatissez d’abord la pâte…

…puis faites des plis en portefeuille…

… repliez les bords vers l’intérieur.

Prenez la partie de pâte plus petite, enroulez-la à partir du côté le plus court pour former une sorte de saucisse, et posez-la à l’intérieur du moule en papier rigide (on peut l’acheter sur internet), pour former les ailes de la colombe. Répétez l’opération pour le corps. Couvrez la colombe avec du film alimentaire et laissez reposer encore trois heures, à température ambiante… si la pâte ne gonfle pas, attendez encore.

Enfin, c’est le moment ! Prenez la crème nécessaire au glaçage, et étalez-la à l’aide d’une petite spatule, sur toute la surface de la colombe très délicatement.

Ajoutez du sucre perlé sur toute la surface…

… des amandes décortiquées…

…et du sucre glace. Terminé ! Transférez le moule sur une plaque de cuisson (au milieu du four) et cuisez la colombe dans le four préchauffé à 170°C pendant 55 minutes. Pour éviter qu’elle ne brunisse trop superficiellement pendant la cuisson, placez une plaque de cuisson au-dessus de la colombe, ce qui permet d’atténuer la chaleur du serpentin.

Le résultat ne devrait pas trop vous déplaire.

Mais…pour éviter que la colombe ne s’affaisse au centre en refroidissant, il faut insérer de longues brochettes sur toute la longueur de la colombe et la placer à l’envers, suspendue à des supports, pour la laisser refroidir.

Pour garder la colombe au moins deux-trois jours, vous pourrez envelopper la colombe de film alimentaire.

Mais vous verrez, il n’y a pas de meilleure façon d’inaugurer le jour de Pâques, que de se faire un petit plaisir.

Et en ce qui concerne le boisson (parce que on mange la colombe aussi à midi, le soir…). il vaudrait mieux choisir un vin qui crée un équilibre en amplifiant les composés aromatiques communs, tel que le Recioto della Valpolicella (dans la province de Vérone). Un rouge puissant élevé 24 mois en barrique, et porté à fin de maturation en bouteille pendant 6 mois. Le résultat est un « passito » raffiné, riche et enveloppant.

Ingrédients pour une colombe d’un kilo =

Pour le mélange de la pré-levée : 130 g de farine Manitoba, 40 mL de lait, 9 cL d’eau, 13 g de levure boulangère fraîche

première pâte : 130 g de farine Manitoba, 20 g de sucre (2 cuillères à soupe), 20 g de beurre, 1 oeuf

deuxième pâte : 230 g de farine Manitoba, 110 g de sucre, 70 g de beurre, 5 g de sel , 40 g de marmelade d’orange, 45 g d’orange confite

Glaçage : 50 g d’amandes décortiquées, 50 g de noisettes décortiquées, 70g de sucre, 70 g de blanc d’oeuf, 45 g de farine T45, 25 g de farine de polenta Fioretto, 25 g fécule de pomme de terre (ou maizena)

Mix aromatique : deux oranges, un citron, 20 cL de rhum brun, 1 cuillère de miel, 20 g d’arôme de vanille

Garniture : sucre perlé, amandes décortiquées, sucre glace

Un commentaire sur “Colomba pasquale fatta in casa (Colombe de Pâques faite maison)

  1. Bonjour, je ne pouvais pas partir de votre site… Avec toutes les explications (photo), travail, réalisation de votre part…

    Bravo, et merci je n’est pas encore fait… Mais je retiens et garde précisément vos recettes

    cordialement

    pascal.B

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