Pere Martin Sec al vino rosso (Poires Martin Sec au vin rouge)

Quand on passe plusieurs mois à chanter « Il pleut, il mouille, c’est la fête à la grenouille… », c’est que notre état psychophysique n’est pas au mieux. D’ailleurs avec le manque de soleil, les basses températures et la grisaille comme toile de fond permanent, c’est la Nature toute entière qui souffre. La preuve : en ce moment les étals vides du marché « blessent mon cœur d’une langueur monotone »… Fort heureusement durant l’une de mes pérégrinations, j’ai découvert une poire méconnue au grand public, sorte de vilain petit canard aux qualités cachés.

Il s’agit de la Martin sec, une variété ancienne de poire à cuire, de première qualité pour la compote, le raisiné et les conserves, mais délaissée à cause de la nature cassante et peu juteuse de sa chair. Le nom dérive probablement de Saint Martin, dont la fête tombe les 11/13 novembre, qui célèbre l’automne et est dédiée aux produits locaux. La récolte des fruits a lieu à la même période, entre octobre et novembre, tandis que le fruit mature dans les vergers, de décembre à mars. Un bien refuge, en quelque sorte, qui permettait aux paysans de tenir le coup pendant la mauvaise saison.

Les poires Martin sont cultivées en France depuis au moins cinq siècles. Dès 1530, Charles Estienne, médecin et imprimeur de la Renaissance, les mentionnait dans son Seminarium et plantarium fructiferarum. A la moitié du XVIIe siècle, leur nom fut modifié : on les appela poires de Martin-Sec à cause de la dureté de leur chair. Peu après, on fixa aussi leur provenance. Jean Merlet, médecin de Louis XIV, en écrivant en 1675 son Abrégé des bons fruits, nous dit que : « Le Martin-Sec de Provins ou de Champagne est une poire plus longue que ronde, fort colorée…, des plus estimées et qui se mange pendant trois mois ». Les Martin Sec étaient présentes dans le potager du Roi Soleil, moins chichiteux que les modernes.

A travers les siècles, la poire Martin Sec a fait son chemin jusqu’en Italie. Elle est – à nouveau – largement cultivée dans la région de Cuneo (vallée de Pesio) et constitue un produit alimentaire traditionnel (P.A.T.) du Piémont , d’où est originaire la recette de dessert d’aujourd’hui.

Toujours appréciée en raison de la rusticité de son arbre, la poire Martin Sec a connu des périodes de faible intérêt, risquant même de disparaître. L’introduction de la culture fruitière industrielle au cours des années 1900 a entraîné une réduction progressive des variétés de poires cultivées, au détriment des cultivars locaux typiques.

Par rapport à d’autres régions, dans le Piémont l’abandon des poires locales n’a pas été compensé par une augmentation des cultures « spécialisées »nationales ». Au cours des dernières décennies, la production s’est réduite, entraînant la disparition de nombreuses variétés.
Mais actuellement, la Martin Sec fait l’objet d’un regain d’intérêt, car son fruit est résistant et plus durable que les autres poires, qui pourrissent en quelques jours.

Allez, on passe aux fourneaux. La première chose à faire, est de laver et de sécher les poires.

Ensuite il faut les éplucher, en coupant la base pour qu’elle tiennent debout toutes seules.

A présent, la cuisson. D’abord, il convient de mettre les poires dans une casserole, avec deux verres de vin rouge de caractère. (Barbera ou Barolo du Piémont).

Puis de rajouter du sucre (préférablement bio de canne).

Quelques clous de girofle.

Un petit bâton de cannelle.

Et pour donner encore du parfum, l’écorce d’un agrume (orange, clementine, citron). Couvrez et laissez cuire à feu très doux pendant deux-trois heures. Cela dépend de la taille des fruits et de leur degré de maturation. Attention. Si le liquide bouillait trop vigoureusement, la peau des poires se fendrait et les fruits risqueraient d’être écrasés.

Le vin doit s’évaporer presque complètement et prendre une consistance sirupeuse. Si, à la fin du temps de cuisson, il n’est pas encore assez épais, retirez les poires de la casserole et remettez-la sur le feu à une puissance plus élévée, pour faire réduire le vin.

Le moment venu, ajoutez le vin-sirop sur les poires…

…et servez à table bien chaud, avec de la crème sabayon. En attendent les beaux jours, pourquoi souffrir ?

Le vin pour accompagner ce petit péché mignon? J’ai jeté mon dévolu sur un cépage autochtone du Piémont, le Barbera d’Asti Superiore A.O.C.G., au taux d’alcool minimum de 12,5 %, cultivé dans le Nizza Monferrato.

Ingrédients pour 4 personnes : 8 poires Martin Sec, deux verres de vin rouge du Piémont, quatre cuillères de sucre, un bâton de cannelle, une cuillère à café de clous de girofle, l’écorce d’un agrume.

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