Quand je parle des pâtes italiennes avec des étrangers, je constate souvent qu’ils sont à l’esprit l’image un peu simpliste des spaghetti au coulis de tomates, avec un peu de fromage dessus et rien d’autre.
Pire, lors de mes voyages, je découvre malheureusement de plus en plus de contrefaçons en boîtes (aux noms, couleurs et symboles italiens), en provenance des Etats Unis, Chine, Allemagne, France… Le marché d’ailleurs est évalué en plusieurs millions d’euros de chiffres d’affaire. En Italie, « la pasta » est une religion, dont voici les 10 commandements.
1. Les pâtes sont italiennes
Commençons par mettre les pieds dans le plat et pour contredire la théorie sur la soi-disant importation des pâtes dans la cuisine italienne via Marco Polo. Tout d’abord, quelques mots sur l’histoire et l’étymologie du mot. Il dérive du latin tardif pasta(m) ou du grec pastai, une « farine avec de la sauce ». Les Etrusques au IVe siècle avant J.C. utilisaient une planche et un rouleau à pâtisserie pour étaler la pâte, tandis que Cicéron et Horace (300 ans après) étaient gourmands des làgana (au pluriel), des bandes de farine sans levure, cuites dans l’eau : l’équivalent de nos lasagnes !
Petit saut dans le temps : au 1154, le géographe arabe Al-Idrisi décrivait une « nourriture de farine en forme de fils », fabriqués dans la Palerme des Normans avec le nom de itriyah. Et voici donc les spaghetti made in Italy (même si à l’époque on les appelait encore macaroni), cent ans avant les aventures de Marco Polo en Chine…Pendant la Renaissance, il y avait déjà plusieurs types des pâtes, répandues du Nord au Sud de la péninsule, cuites désormais à l’eau et non plus au four.
Les Italiens sont fous des pâtes depuis toujours. Ses intellectuels, de Boccaccio à Casanova à Tomasi de Lampedusa, ont déclaré leur passion sans ambages. Tous, sauf Filippo Tommaso Marinetti, qui dans son « Manifeste de la cuisine futuriste » écrivait : « Nous croyons d’abord nécessaire l’abolition des pâtes, absurde religion gastronomique italienne ». Quitte à se faire prendre en photo, peu après, avalant un plateau de spaghetti dans un restaurant…
2. Les pâtes sont plus du Sud que du Nord
En Italie, on mange des pâtes à tous les étages de la péninsule. Mais, il y a un mais, les pâtes sont quand même plus présentes au Sud qu’au Nord, où le riz est une base solide du « primo piatto ». Naples est souvent citée comme LA patrie des pâtes. Pas étonnant qu’on ait surnommé les Italiens les macaronis, qui est une des sortes de pâtes les plus répandues dans cette ville.
3. La pasta è asciutta (ou pas)
Il existe deux sortes de pâtes, les fraîches et les sèches. Les premières sont composées de blé tendre (triticum aestivum o vulgare), les deuxièmes sont à base de blé dur (triticum durum o turgidum). Il n’y a pas des très grandes differences entre les deux variétés : le grain du blé dur est oblongue et presque translucide, l’autre est opaque et arrondi. Depuis toujours en Italie, le blé dur est cultivé dans les champs calcaires du Sud de la péninsule, riches en soleil et pauvres en eau. La semoule que l’on en obtient, broyée dans les pressoirs, est séchée puis vendue dans les magasins.
Tout le contraire pour son cousin le blé tendre : il apprécie davantage les plaines humides de la vallée du Po. Sa farine est utilisée surtout à la maison, mélangée avec de l’oeuf pour les pâtes fraîches et le pain. Personnellement, peut-être parce que je suis un méridional invétéré, je préfère la pasta asciutta. Elle est moins lourde que la pasta fresca, plus facile à digérer. Après un plat de pâtes sèches, je mange volontiers un « secondo », alors que les pâtes fraîches me plombent l’estomac.
4. Pâtes artisanales ou industrielles ?
Quelques clarifications (indispensables) sur les modalités de production et sur les (bonnes) marques des pâtes. Les moulins industriels séparent le grain du son, tamisent et broient la semoule plusieurs fois, selon la qualité que l’on veut obtenir. Normalement la farine pour les pâtes (et le pain) en Italie est de type 00 (45 en France). Après quoi la semoule est mélangée avec de l’eau pour lier l’amidon et le gluten dans une machine appelée ‘gramola’, jusqu’à que le tout soit homogène. La pâte ainsi obtenue est poussée à travers une machine tréfileuse pour sortir la forme que l’on désire. Celles des usines semi-artisanales sont en bronze comme autrefois : elles rendent la surface des pâtes plus rugueuse, et donc plus à même de retenir les differentes sauces. L’étape suivante et centrale est le séchage. Les pâtes sont séchées avec de l’air plus au moins chaud et pour une durée plus ou moins longue : pour obtenir un meilleur produit, et c’est le processus utilisé dans les usines semi-artisanales, il faut souffler un air plutôt tiède et humide pendant un bon moment. Les pâtes sont enfin refroidies et emballées.
Il y a des marques des pâtes italiennes connues dans le monde entier, comme Barilla ou Buitoni, des vrais géants industriels. Sans rien enlever à leur professionalisme, personnellement je préfère les productions artisanales (biologiques) à base de semoule Senatore Cappelli (dans les Pouilles), ou les semi-artisanales comme Garofalo, Rummo (de Naples et Bénévent, en Campanie), De Cecco, Del Verde (de Fara San Martino, dans les Abruzzes), la Molisana (Molise); Granoro et Divella (de Corato et Rutigliano, dans les Pouilles), ou plus récemment Cipriani…On en trouve de plus en plus à l’étranger. J’espère donc qu’elles n’ont pas trop recours aux grains (génétiquement modifiés?) du majeur importateur pour l’Italie, le Canada (ou pire, de Chine et d’Inde), pour satisfaire la demande. Quand on sait que l’Italie produit environ 8 millions de tonnes de blé par an, alors que la Chine en produit 115 millions…
5. Stop aux pâtes trop cuites
Comment il faut cuisiner les pâtes ? La réponse est, sans détour, « AL DENTE ! » C’est-à-dire cuites, mais pas trop, de façon à opposer une légère résistance à la mastication. Pour ce faire, rien de plus facile. Il suffit de lire le temps inscrit sur l’étiquette de l’emballage et de mettre dans une casserole un litre d’eau pour 100 gr. de pâtes. Attendez l’ébullition avant de jeter une poignée de gros sel (oui dans cet ordre-là) et faites attention à ne pas faire déborder l’eau. Les cristaux de sel aident la formation de bulles (les pinailleurs mettront 10 gr. de sel par litre d’eau). Touillez de temps à autre, mais n’allez pas au delà des minutes prescrites, faute de quoi vous risquez de manger una « pasta scotta » (trop cuite)…
6. A chaque forme de pâte, la sauce qui va bien avec
Ne vous arrêtez pas aux deux ou trois types des pâtes que l’on trouve – hélas – dans la majorité des magasins. Il y a des dizaines de formes, adaptées à chaque aliment. Les pâtes longues à section ronde (comme les spaghetti), rectangulaire (les linguine) ou à épaisseur réduit (les fettuccine) vont très bien avec le pesto ou le poisson et les coquillages. Les pâtes minces et larges (les lasagne ou les cannelloni) seront parfaites avec de la béchamel et les épinards au four. Les pâtes en nids – les pappardelle – vont avec les sauces de gibier (lapin, par exemple). Les pâtes courtes – rigatoni, sedani, fusilli, penne…- ou moyennes, comme les pipe, conchiglie, ditali, orecchiette – sont parfaites pour la carbonara, les sauces de légumes, de viande… Les pâtes petites – ditalini, tubettini – sont utilisées pour les bouillons de viande et végétaux. Les pâtes farcies – tortellini, ravioli, agnolotti, cannelloni, peuvent être consommées soit toutes seules, soit avec de la ricotta, et des légumes, ou dans un bouillon.
7. Tout est bon pour les pâtes
Dans la cuisine italienne, il y a évidemment des recettes canoniques. « Pasta aglio e olio », « all’amatriciana », alla bolognese, all’assassina… Mais pasta is a lot like jazz, it is best when you improvise. Regardez ce qu’il y a dans votre frigo ou votre garde-manger et lâchez-vous : faites des pâtes avec ce dont vous disposez.
8. Gare aux pâtes de couleurs
C’est vrai qu’il existe des pâtes de couleur, dont la farine est mélangée avec d’autres ingrédients. Vertes, avec des épinards, du basilic ou du persil. Rouges, avec des betteraves. Oranges avec de la citrouille ou des carottes. Jaunes, avec du safran ou curry; marrons avec du cacao amer, et noirs, avec de l’encre de sèche ! Mais les Italiens en consomment peu (mises à part les vertes et les noires). Si vous aimez cela, surtout n’achetez pas les pâtes de couleur vendues dans les magasins de souvenir. Préférez celles produites par les marques que j’ai précédemment citées.
9. Les pâtes ne sont pas ‘un contorno’ (une garniture)
Il m’est arrivé une fois dans un restaurant en Normandie, de commander un plat de poisson d’eau douce. Quand la serveuse me l’a présenté, j’ai eu un moment de panique. Il était allongé sur un lit des tagliatelle, trop cuites et sans sel. La scène d’après aurait été digne d’un théâtre de boulevard. Sous l’oeil pas tout à fait rassuré de la patronne, j’ai écarté le poisson et j’ai avalé deux bouchées de pâtes, histoire de ne pas affoler les autres clients. Après quoi, avec un flegme anglais, j’ai demandé à la dame un plat de salade, que j’ai consommé comme garniture du poisson. Depuis, je demande TOUJOURS avant de commander avec quoi un plat est servi !
Les pâtes sont un premier plat, ou un plat unique. Elles ne sont, d’aucune façon, une garniture pour une viande ! L’habitude, même en France, de servir une viande ou un poisson sur un lit de fettuccine trop cuites, est l’héritage d’une époque où les émigrés italiens fuyant la misère (Les Ritals de Cavanna le racontent bien) ne consommaient qu’un repas par jour. Les Italiens de deuxième ou troisième génération ont ensuite ouvert des restaurants et proposé des recettes régionales, en se pliant plutôt au goût du pays où ils se trouvaient et ont commis l’irréparable. En France, par exemple, terre d’immigration de gens d’Emilie Romagne ou de Toscane, les fettuccine sont les pâtes italiennes le plus répandues. Méfiez-vous.
10. Les pâtes ne font pas grossir
Les pâtes ont un haute teneur en glucides (sous forme d’amidon) et en protides. 100 g. de pâtes équivaut à 350 kcal environ, soit 1487 kJ. Donc si vous mangez des pâtes raisonnablement, sans vous goinfrer, sans ajouter des tonnes de fromage ou d’huile, vous ne grossirez pas. Il fallait que ce soit dit.
Désolé mais si on respecte les temps de cuisson al dente, les pates ne sont jamais assez cuites, sauf si on veut les servir en salade. Je rajoute toujours au moins 3 à 4 minutes de cuisson pour des pates Italiennes semi artisanales blanches ou complètes.
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