La « révolution néolithique » a aussi été une révolution dans l’alimentation. Au moment où, pour paraphraser Platon, ils « sortirent de la caverne » (grosso modo en -10.000 avant notre ère), les hommes jetèrent les bases de ce qui constitue encore aujourd’hui notre façon de choisir et de produire de la nourriture. Au IV millénaire avant J.-C, ils commencèrent aussi à mettre par écrit les récits fabuleux qui expliquaient le monde et construisaient en filigrane une morale et une théologie.
La déesse sumérienne de la fertilité, de l’amour et de la guerre, Inanna (la Resplendissante) est attestée dans l’ancienne Nippur, en Mésopotamie (Irak), à travers le récit de sa descente aux Enfers. C’est une histoire liée au monde agricole, au renouvellement des saisons et aux sacrifices rituels. Quelques siècles plus tard, on retrouve ce mythe chez les Grecs, avec Déméter (la mère de l’agriculture) et sa fille Perséphone, qui, après avoir été kidnappée par le maître des enfers, Hadès, doit l’épouser.
La jeune fille accepte de manger six grains de grenade que le dieu lui a offert, ne sachant pas que, en les avalant, elle est condamnée à rester parmi les morts à tout jamais. Déméter est furibonde et rend stérile la terre des hommes. Zeus se doit d’intervenir, pour calmer le jeu. Ainsi, Perséphone restera six mois sous terre (en automne et en hiver), tandis qu’elle pourra jouir de la compagnie de sa mère le reste de l’année (au printemps et en été).
La grenade, de la civilisation mésopotamienne antique à la chrétienté, est depuis ces temps immémoriaux symbole de vie et de fertilité, mais aussi de puissance, de sang, de mort et de sexualité. J’ai choisi ce fruit pour célébrer – à ma façon – le jour des morts.
Née entre l’Iran et le nord de l’Inde, désormais présent jusqu’en Occident, c’est une plante adaptée aux climats semi arides, et considérée aujourd’hui comme un « super fruit » car elle est riche en vitamines et en minéraux, peu calorique et très nourrissante. C’est, de plus, un régulateur hormonal, efficace contre les tumeurs à la prostate, comme l’a montré récemment une étude de l’université du Wisconsin.
Le goût de la grenade est très acidulé. Pour équilibrer les saveurs de ce plat, la recette que j’ai choisie l’associe au riz et aux poireaux.
La grenade, tout d’abord, doit être ouverte et vidée de ses grains. Mieux vaut le faire dans l’évier, car le jus tache énormément. C’est un travail qui demande un certain temps. On peut en profiter pour faire chauffer un dé de bouillon végétal dans un litre d’eau.
Récupérez quelques poignées de grains de grenade et passez-les dans un moulin à légumes, pour récupérer le jus.
C’est à présent aux poireaux de passer à la moulinette. Mais d’abord, il faut leur enlever la barbe et les fanes. Il faut aussi jeter la première couche des blancs, avant de les émincer.
Faites-les cuire avec de l’huile extra vierge d’olive, du sel, du poivre, et quelques louches de bouillon, pendant une dizaine des minutes. Puis mélangez-les avec 1 dl de bouillon et mixez-les à l’aide d’un robot, jusqu’à obtenir une crème dense.
Vient maintenant la préparation du risotto à proprement parler. Il faut d’abord torréfier le riz dans une casserole, avec de l’huile extra vierge d’olive, pendant quelques minutes, en touillant avec une cuillère en bois, sans arrêt.
Ajoutez ensuite un verre de vin rosé et attendez qu’il soit évaporé. Continuez de touiller.
Touillez, touillez encore et encore pendant 8-9 minutes. Versez la crème de poireaux, puis le jus de grenade.
Le cas échéant, ajoutez une louche de bouillon. Et surtout ne cessez pas de touiller. Une fois la cuisson terminée (17-18 minutes), éteignez le feu, et pour mieux lier l’ensemble, ajoutez quelques morceaux de beurre…et du fromage Parmigiano, râpé.
La suite est classique ; il suffit de présenter le plat à table, décoré de quelques grains de grenade.
Et pour l’accompagner, un petit vin rosé des Pouilles, le Five Roses.
Ingrédients pour 4 personnes :
400 gr. de Riz Carnaroli
une ou deux grenades
deux poireaux
1 verre de vin rosé
1 litre de bouillon végétal
huile extra vierge d’olive
sel, poivre
beurre
fromage Parmigiano