Ah, les repas de noces en Italie ! A la fois une démonstration éclatante de joie de vivre et une redoutable source de stress. Tous les invités sont censés être sur leur trente et un – genre James Bond – avec les kilos superflus cachés dans le costume sur mesure, pour faire la fête jusque tard en dansant et chantant, le tout en faisant bombance. Et là les choses se compliquent, parce que la tradition, notamment dans le Sud, veut que tout soit over size, en quantité comme en qualité. A commencer par les hors d’oeuvre (aperitivi), qui eux seuls feraient un repas complet.
A titre d’exemple je vais vous parler de l’un de ces plats, la tourte salée de pommes de terre et d’oignons rouges, un rustico fait maison : en Italie, c’est juste un antipasto, pour un français cela peut faire office de plat unique. Je ne m’étendrai pas sur la pomme de terre et ses dizaines de variétés, j’en ai déjà parlé ailleurs sur le blog. Mais j’ai une passion pour l’oignon…
C’est une plante bulbeuse présente sur les tables de la Méditerranée depuis au moins 5.000 ans, et en Italie on en compte une vingtaine de variétés, toutes avec leur spécificité, exaltées notamment par le mouvement Slow Food, qui vise à préserver, entre autre, les produits régionaux. On énumère ainsi l’oignon blanc de Chioggia (Vénétie) pour le poisson et le foie de veau, le Giarratana (Sicile) pour les fougasses, le Borretana (Emilie Romagne) conservé dans le vinaigre, pour la charcuterie; le Statina de Certaldo (Toscane) pour la soupe carabaccia, le rouge de Tropea, très doux et riche en sucre, et le rouge d’Acquaviva delle Fonti (Pouilles), dont je raffole, excellent pour les salades…
Il est vrai qu’on n’a pas toujours envie de cuisiner des oignons. Comme disait Cavanna, « Quand on épluche des oignons, il faut en même temps penser à quelqu’un qu’on aime bien et qui est mort, sans quoi ce sont des larmes perdues. » Pour réduire ces effets collatéraux, il suffit de les peler sous l’eau. Mais on va y revenir.
Pour l’instant, attelons-nous à la pâte brisée (pasta frolla) qui sera le fond de la tourte. Procurez-vous donc de la farine de blé n.45 (possiblement bio et d’une variété ancienne, parce que pauvre en gluten, et riche en sels minéraux).
Du laurier, tu thym, du romarin et quelques feuilles de sauge vont venir parfumer la pâte.
Emincez les très finement et mélangez-les à la farine.
Ensuite, mettez la farine et un morceau très froid de beurre (bio) salé dans le mixeur, avec une pincée de sel et de poivre. Le mélange ainsi obtenu sera de consistance sablonneuse. Posez-le sur une surface froide, et pétrissez-le en ajoutant tout doucement de l’eau. Façonnez un pain rectangulaire, recouvrez-le avec du film alimentaire, et laissez-le reposer dans le réfrigérateur au moins une demie heure.
Passons à présent à la garniture…
Epluchez sous l’eau courante les oignons (rouges), et faites-les tremper pendant au moins une demie heure dans un bol d’eau froide.
Epluchez également les pommes de terres, et coupez une partie en fines lamelles, l’autre en petits dés. Mettez le tout dans un bol d’eau froide, pour éviter qu’elles ne noircissent.
Le fromage devra être en partie râpé, et en partie coupés en petits morceaux.
Faites maintenant chauffer un peu de bouillon végétal dans une casserole. Pendant ce temps-là, émincez les oignons et faites rissoler-les dans un peu d’huile extra vierge d’olive (après cuisson, vous garderez quelques oignons pour la décoration).
Attendez quelques minutes et ajoutez une cuillère de sucre roux de canne (bio), une louche de bouillon et les dés de pommes de terre. Touillez, et faites cuire pendant un quart d’heure, en ajoutant sel et poivre, et à la limite encore du bouillon.
Une fois la cuisson terminée, versez le tout dans un bol, faites refroidir.
Etalez finement la pâte brisée à l’aide d’un rouleau à pâtisserie.
Enveloppez la pâte autour du rouleau, et déroulez-la à l’intérieur d’un plat à four d’une trentaine de cm. de diamètre (recouvert de papier sulfurisé). Rectifiez les bords et l’épaisseur à la main, et coupez les morceaux de pâtes qui dépassent. Mettez-les de côté. Avec une fourchette, faites quelques trous sur le fond de la pâte.
Cassez cinq oeufs, ajoutez les dés de fromage, une pincée de sel, et mélangez le tout à l’aide d’une cuillère en bois.
Ajoutez aussi les oignons et les pommes de terre cuits.
Façonnez les restes de la pâte en petits cordons. Ils iront garnir le bord supérieur de la tourte comme une tresse.
Versez la garniture sur la pâte brisée.
Ebouillantez les pommes de terre coupées en lamelles une vingtaine de secondes. Egouttez-les et passez-les sous l’eau froide. Elles auront ainsi perdu un bonne partie de leur amidon. Déposez-les ensuite sur la garniture, en étoile, partant de l’extérieur.
Passez un peu de lait, à l’aide d’un pinceau. ajoutez le fromage râpé, les restes d’oignons, et un peu de thym.
Réglez votre four à 180°C, et laissez cuire pendant une quarantaine de minutes. Le résultat le voilà. Vous comprendrez, j’espère, pourquoi on prends aussi joyeusement du poids, en Italie…
Pour accompagner ce plat, aux mariages comme à la maison, il est recommandé de prendre un vin spumante. J’ai choisi un Brut Cusumano, mélange de pinot noir et de chardonnay, produit sur de collines à 700 mètres d’altitude, pas loin de Palerme en Sicile.
Ingrédients pour 6 personnes :
Pâte brisée : Farine type 45, 200 gr.; Beurre salé 200 gr.; eau froide 70 gr.; aromates = thym, laurier, sauge, romarin, sel, poivre
Garniture : Patates pâte jaune 500 gr.; oignons rouges 250 gr.; Fromage (Asiago, ou Grana Padano) = 90 gr. en dés, 60 gr. râpés; oeufs 5; une cuillère à café de sucre roux de canne; poivre, sel (une pincée); thym
Bouillon végétal (4 louches)
Lait = 10 gr.