
Il existe en Italie de nombreux produits agroalimentaires qui sont protégés et certifiés pour empêcher (ou limiter) les fraudes. Parmi eux, les tomates. À titre d’exemple, je veux vous parler tout d’abord des San Marzano, le nec plus ultra des tomates italiennes pour confectionner la sauce des pâtes, cultivées dans l’arrière-pays de Salerno (Sarno-Nocera) depuis la fin du XVIIIe siècle, qui ont obtenu un label A.O.P. depuis le 1996.

Mais les fausses San Marzano pullulent sur le sol italien et à l’étranger. Essentiellement made in China, elles sont vendues grâce à la connivence de commerçants malhonnêtes et aux ambiguïtés du droit international. Ce marché de la contrefaçon est particulièrement bien décrit dans ce récit multimédia du New York Times, écrit et illustré par Nicholas Blechman, dont je vous conseille la lecture.

On s’attendrait à la même considération de la part de la communauté européenne. Et bien, NON. Le haut commissaire à Bruxelles pour l’agriculture, Phil Hogan, a déclaré récemment que « la Commission européenne ne peut constater si les étiquettes de tomates produites hors d’Italie constituent une évocation indue ou une utilisation licite de la dénomination italienne S. Marzano. » Motif ? « Il appartient essentiellement aux autorités compétentes des États membres de relever d’éventuels manquements lors des contrôles effectués. La variété de tomate San Marzano mentionnée au sein de la dénomination (italienne) peut être cultivée hors de l’aire géographique délimitée et ne constitue pas dès lors l’apanage des producteurs italiens concernés »…
Et il n’y a pas que les tomates San Marzano qui sont attaquées. Fin janvier, les quotas de tomates rondes, importées en Europe par le Maroc, ont été augmentés de 20 % par rapport à l’année dernière. Le coût de la main d’œuvre au Maghreb est plus bas, et l’utilisation des pesticides plus élevée (et moins contrôlée). C’est un cas classique de dumping, c’est-à-dire de pratiques commerciales déloyales, favorisées par un esprit de solidarité mal placé des autorités de Bruxelles, qui l’ont déjà appliqué à l’huile d’olive tunisien, importée en grandes quantités aux dépens de l’Italie, leader dans le secteur.
Bien évidemment, tout cela a pour conséquence d’augmenter, sur le sol italien, l’exploitation abusive des ouvriers agricoles (les braccianti), souvent immigrés illégaux, noirs africains ou maghrébins, mais aussi femmes italiennes (notamment dans le Sud), qui travaillent sous l’autorité de chef d’équipes douteux, connus sous le nom de caporali (caporaux). Les producteurs malhonnêtes, pour baisser le coût des tomates sur le marché interne et européen, ne reculent pas devant des pratiques illégales : salaires ridicules, pas de contrat de travail, pas de syndicat, pas d’hébergement correct, pas d’assistance sanitaire, pas d’hygiène. De sorte que, de temps en temps, il y a mort d’homme… larmes de crocodile du politicien de service (italien et/ou européen)…et puis c’est réparti pour un autre tour. Mais ne croyez pas que tout cela date de hier : les malheurs de la tomate naissent avec l’unité italienne…
À l’arrivée des Savoie à Naples, en 1860, les Piémontais démantelèrent l’industrie (manufacturière, ferroviaire et maritime) des Bourbons, favorisant ainsi le développement de la mafia et la camorra, et l’appauvrissement des méridionaux, vite obligés à émigrer. L’industrie de la tomate fut anéantie, et sa renaissance fut le fait d’un homme, un entrepreneur d’Asti (dans le Piémont), analphabète, mais connaisseur de la conservation des aliments en boîte : Francesco Cirio. Sitôt dit, sitôt fait, grâce aux relations privilégiées qu’il avait avec les nouveaux maîtres, il fit redémarrer l’industrie de la tomate et des autres produits agricoles, dont le Mezzogiorno était richissime. Et, pour exporter ces biens, il obtint un contrat de faveur avec la société des chemins de fer du Nord de l’Italie, elle aussi en bonne santé grâce à l’or de la banque centrale des Bourbons…
Depuis, l’industrie Cirio a connu bien des vicissitudes, mais la qualité de ses tomates San Marzano est restée intacte. Toutefois, pour la cultiver selon la tradition, sur des poteaux, en hauteur, il est nécessaire d’utiliser une technique complexe, qui coûte cher. Si on ajoute à cela l’extrême sensibilité de la plante aux virus, on comprend pourquoi 1/ ces boîtes de tomates coûtent plus cher que les autres et 2/ il y a eu une forte diminution des parcelles destinées à sa culture. Enfin, les goûts aussi évoluent, et l’arrivée sur le marché des coulis en bouteille (la Passata), plus rapide à utiliser, n’arrangent pas les choses. La San Marzano se fait plus rare.
Pour faire face au problème, depuis longtemps on s’est tournés vers les terreaux calcaires des Pouilles. Dans cette région sont cultivées les autres variétés cylindriques proches du San Marzano, parfaites pour la production de tomates pelées parce que adaptée à la culture en champs ouverts (sans poteau), et moins sensible aux virus. Tomates qui peuvent être aussi séchées sur des lits de cannes durant la saison estivale, avant de les mettre dans des bocaux avec huile, vinaigre blanc, câpres, ail, persil et piment. Et être ainsi dégustées ensuite comme hors-d’œuvre, ou dans un plat de pâtes, ou sur une pizza…
D’ailleurs le climat de plusieurs régions d’Italie est excellent pour la tomate, qui prend sa coloration rougeâtre justement grâce aux températures pas trop élevées. En Afrique, par exemple, elle reste blanche parce que la chaleur ne permets pas le développement du lycopène, le pigment liposoluble de la famille des caroténoïdes, qu’on trouve dans les fruits rouges. Et qui est un puissant antioxydant naturel, présent davantage dans les tomates en conserve. La tomate, source de vitamines et de sels minéraux, est même en train de devenir le chouchou de nutritionnistes, qui découvrent l’eau chaude avec quelques siècles de retard. Serait-ce pour cela que tout le monde veut s’approprier « l’or rouge » italien?

Voici alors quelques indications pour mieux choisir les tomates italiennes, bien évidemment A.O.C. ou I.G.P. Il y a la tomate ciliegino (cerise), cultivée en grappe et produite en Sicile (notamment à Pachino), parfaite pour le salade (et un journal italien aurait découvert, en février 2018, que des tomates « Pachino » ont été importées du Cameroun, grâce à l’autorisation du ministère italien compétent…). Autre tomate à salade, le tondo ramato (variété Ace, Montecarlo e Sunrise), la plus utilisée en cuisine. Viennent en suite le Costoluto fiorentino o Grinzoso (de Toscane); bon pour salade et sauce, et le Cuore di bue (de Ligurie); à avaler crue (jusqu’à 500 gr.). Suivent le Camone de Sardaigne et la tomate rosée de Belmonte, en Calabre, surnommée la fiorentina (steak géant) végétale, pour son poids (au-delà d’un kilo…). Et deux petites productions locales des Pouilles : la Regina di Torre Canne et le Fiaschetto di Torre Guaceto (toutes le deux dans la province de Brindisi). Elles sont cultivées à proximité de la mer, ce qui leur donne une sapidité prononcée (et je dirais unique).

Alors, la prochaine fois que vous aurez envie d’utiliser des tomates pour vos repas, s’ils vous plait…relisez cet article, et laissez les histoires belges aux lobbyistes de Bruxelles.
Mise à jour août 2020 : le commissaire européen au commerce, Phil Hogan, démissionne après avoir enfreint les régles sanitaires liées au Covid-19. Le 19 août, l’Irlandais avait participé à un dîner d’au moins 80 personnes, alors que la jauge était d’au plus 50 participants. Il n’a pas non plus strictement respecté la quarantaine obligatoire pour les personnes arrivant en Irlande (les dieux de la vengeance exercent en silence)…
il y a plus de 10 ans qu’il existe des tomates génétiquement modifiées et l’Europe s’en lave les mains; il y aussi les raisins,les huîtres, …..les truites, les agrumes.
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salut je m’apelle falilou kane je suis sénégalais je viens de voir votre site je voulais vous demander est ce que on peut travailler avec vous je suis à la recherche du travail
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Désolé, mais je suis seulement un bloggeur amateur, et pas un entrepreneur.
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