Il y a un ingrédient de la cuisine des Pouilles que peu d’Italiens – et encore moins d’étrangers – ont jamais goûté. Une chose pas très belle à voire, et pas facile à trouver : un bulbe. De la taille d’une grosse noix, très compacte, il est le fruit souterrain (jusqu’à 30-40 cm.) d’une plante spontanée, le Muscari comosum (ou plus précisément Leopoldia comosa), reconnaissable seulement au moment de la floraison printanière, et typique des terrains rocailleux, du bord des routes de campagne et des pentes assolées, voire même des vignes. Les Pouilles, quoi !
Mais il y a d’autres obstacles à franchir, pour que l’aventureux touriste culinaire puisse enfin savourer ce mets particulier. D’abord, savoir prononcer le nom utilisé par les autochtones, Lampascioni. L’étymologie du mot en patois pourrait bien dériver du latin tardif lampadium (petite lampe, ou torche), peut-être en raison à la forme des bulbes. Mais il n’a sûrement rien à voir avec le français Muscari à toupet, l’espagnol hierba del querer, et encore moins avec l’allemand Schopf-Traubenhyazinthe…
Deuxième souci, la capacité à distinguer – et à choisir- le bon bulbe, puisqu’il y a trois variétés comestibles. Il y d’abord le plus prisé, le lampascione rosso (rouge) –Leopoldia comosa – sur lequel on va y revenir pour la recette. Il y a ensuite le lampascione bianco (blanc) –Ornithogalum – qui est de qualité inférieure, tout comme le lampascione nero (noir) – Bellevalia romana – qu’à Bari on appelle lambazze (avec un zeste de dédain). Il faut donc faire attention quand on les achète, parce que les marchands de légumes ont la tendance à mélanger les bons bulbes sauvages – de taille variable – avec ceux-là, voire avec ceux d’élevage, ou encore pire, avec ceux qui viennent de l’étranger, surtout d’Afrique du Nord.
Quoi qu’il en soit, l’utilisation la plus courante des lampascioni, une fois cueillis et nettoyés, est d’en faire des bocaux avec des bulbes (déjà ébouillantés dans de l’eau vinaigrée), de l’huile extra vierge d’olive, un peu de sel, du laurier, du poivre en grains, et quelques piments rouges. Héritage de la cuisine paysanne, évidemment, où on pensait constamment à faire des provisions pour la mauvaise saison. C’est qui est intéressant, c’est aussi la quantité de bonnes choses que les petits bulbes contiennent. Phosphore, calcium, potassium, fer, cuivre, fibres qui aident l’intestin et stimulent la sécrétion biliaire. Les lampascioni sont aussi hypocaloriques, puisque 100 gr. contiennent seulement 30 calories, et grâce aux flavonoïdes (molécules secondaires des plantes), ils représentent une source importante d’antioxydants. Voilà pourquoi depuis quelques temps on assiste à leur redécouverte dans certains restaurants des Pouilles et régions limitrophes, où on peut les savourer en salade avec des lentilles, cuits sous la cendre avec des fèves, avec des pâtes, en garniture avec du lapin ou du chevreau, ou encore sous forme de glace et comme petites boulettes…
J’ai choisi cette dernière option pour ma recette. Je vais donc vous présenter d’abord les lampascioni rouges, encore à l’état naturel.
La première étape consiste, évidemment, dans le lavage à l’eau courante.
Il faut ensuite leur enlever la première couche, en plus des racines, et les laisser quelques heures dans des bains d’eau froide avec un peu de vinaigre (en changeant régulièrement l’eau), pour enlever l’excès d’amertume. Le moment venu, on peut les égoutter…
…pour pratiquer à la base de chacun une entaille en forme de croix…
Pour éviter qu’ils puissent se feuilleter durant la cuisson (qui va durer entre 30 et 40 minutes, selon la tailles des bulbes).
Pendant ce temps, on préparera un hachis de persil et d’ail…
…et on battra des oeufs dans un bol.
Quand les lampascioni sont cuits, il faut les égoutter, les sécher avec un torchon, et les écraser à l’aide d’une fourchette pour créer une sorte de purée.
Avec elle on pourra ainsi créer la farce pour les boulettes. D’abord avec le hachis…
…ensuite la chapelure de pain…
…le fromage (pecorino romano, o canestrato pugliese) râpé…
…et finalement les oeufs, plus un peu de sel et de poivre. Le tout devra être bien homogène et souple.
Pour terminer la recette, on frit les boulettes dans de l’huile d’olive, d’un côté comme de l’autre, en tâchant de leur donner une forme plus au moins régulière avec deux cuillères.
Pour éliminer le surplus d’huile, on les pose sur du sopalin, avant de passer à table. Vous verrez, elles auront gardé un saveur légèrement amer, ce qui fait tout le charme des lampascioni !
Pour ce qui concerne le boisson qui accompagne ce plat, il y a plusieurs écoles. Certains disent que l’amertume des lampascioni ne permet pas de boire de vin. D’autres préférent de la bière artisanale (comme la Claudette du Birrificio Svevo de Bari, obtenue en mélangeant une bière vieillie 15 mois et l’autre de 4 semaines).Et puis il y a les old fashion comme moi, qui se contentent de siroter un cépage du coin, vieux compagnon de route des paysans des Pouilles depuis l’époque du poète Horace, l’Aglianico rouge A.O.C. de Castel del Monte. Un délice éphémère, certes, mais quel délice…«Dum loquimur, fugerit invida aetas: carpe diem, quam minimum credula postero.»
Ingrédients pour 2 personnes :
une vingtaine de lampascioni
2 oeufs
chapelure de pain 50 gr.
fromage râpé (pecorino romano ou canestrato pugliese) 50 gr.
1 gousse d’ail
Persil, sel, poivre, huile extra vierge d’olive
La recette est bonne mais l’amertume des lampascioni est tout de même assez prononcée. Ce plat ne plaira pas à tout le monde !
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Peut-être, mais vous savez, on ne peut pas plaire à tout le monde.
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bonjour
je souhaiterai me pocurer ce tubercule.nous en sommes tres friands ,ou pouvons l’acheter si quelqu’un cpnnais un producteur, qu’il me le fasse savoir merci
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Les muscaris à toupet sont aussi consommés en Crète comme accompagnement ou comme légumes
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Bonjour; j’ai achetée aujourd’hui dans le magasin « Grand Frais »; avec les jolies racines et j’ai mis dans la terre. La plante en latin on trouve aussi sous le noms Muscari comosum
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