Cassata abruzzese (Cassata des Abruzzes)

ovidio

Pâques, pour moi, est toujours un moment de joie et de tristesse. Joie parce que c’est l’une des grandes réunions de famille, autour d’une table somptueusement dressée. Tristesse parce que de telles occasions se font toujours plus rares. Alors cette année j’ai pris à la lettre la suggestion du poète Ovide : Tristis eris si solus eris (« tu seras triste si tu seras seul »). J’ai invité donc mon entourage français à un repas de fête à l’italienne (du Sud), comprenant un premier plat des Pouilles, les pâtes aux gesses, un plat de résistance à base de chevreau au four, et un dessert traditionnel des Abruzzes, la cassata de Sulmone, en l’honneur d’Ovide, qu’était né là bas.abruzzo 
Je ne savais pas en quoi je m’embarquais, en choisissant cette option. Mais j’ai survécu. La cassata, (du latin caseus, fromage), désigne normalement un dessert sicilien à base de ricotta, de sucre, de chocolat, de liqueur et de Pan di Spagna (génoise). Par extension, le mot est utilisé aussi pour d’autres gâteaux, qui ont plus ou moins les mêmes ingrédients. Dans mon cas, il m’a fallu ajouter aussi du croccante (du nougat dur) et du torrone (du nougat mou). Le deuxième, j’ai pu l’acheter, mais le premier (tout comme la génoise), j’ai dû le faire, parce qu’à Paris…Commençons donc par fabriquer le croccante, une tradition chez nous dans le Sud, au moins depuis le XIIIe siècle.medio

Apparement rien de plus simple : il faut avoir seulement des amandes, de l’eau, du sucre, un zeste de citron et éventuellement du miel. J’ai utilisé des amandes bio (comme aussi le citron et le sucre de canne), que j’ai d’abord mis à tremper quelques minutes dans de l’eau tiède. J’ai pu ainsi les éplucher plus facilement, à l’aide d’un couteau.mand Après quoi, je les ai torréfiées dans le four pré-chauffé à 180°C, pendant cinq minutes. Attention, elles ne devront pas noircir. Une fois terminées cette opération, il faudra en émietter une partie. cas 7

Prochaine étape : le caramel. Pour faire cela, il faut mélanger dans une casserole de l’eau, le jus de citron et le sucre, à feu doux. Une fois le caramel doré, j’ai ajouté les amandes, émiettées et entières.cas 8

J’ai touillé quelques secondes à l’aide d’une cuillère en bois, pour bien lier les ingrédients, et puis j’ai renversé le tout sur une feuille de papier sulfurisé. J’ai compacté l’ensemble avec un couteau…et avant que le croccante ne soit refroidi complètement, je l’ai posé sur une planche en bois, pour mieux le couper en morceaux (il est préférable d’utiliser, si vous avez, une planche à pâtisserie en marbre et une spatule à pâtisserie).

Bon… passée cette ordalie, il m’a fallu affronter la deuxième épreuve : la création d’un pan di Spagna, autrement dit, un biscuit à pâte battue. Deux mots sur son origine pour la populace, toujours avide de gossip.stemma

 L’époque est la moitié du XVIIIe siècle, le lieu la France, l’inventeur, un pâtissier français, Jean Baptiste Deraun ! Monsieur était cuisinier chez l’ambassadeur de la République de Gênes à la cour, Domenico Pallavicini. Lors d’une réception à laquelle participait aussi le roi d’Espagne, il lui fut demandé d’épater la galerie. Sitôt dit, sitôt fait, Deraun ré-élabora la recette des biscuits savoyards (inventés à Turin à la fin du XVe siècle par les Ducs de Savoie, en l’honneur du roi de France), en préparant les ingrédients à chaud. Les Espagnols en furent ravis, et le gâteau fut baptisé « génoise ».

Peu après, la recette subit une variation – les ingrédients étaient manipulés à froid – et on l’appela en Italie pan di Spagna (pain d’Espagne) parce que cela faisait plus chic. Le dessert fut tellement apprécié qu’en 1855, à l’école pour maîtres pâtissiers de Berlin, avec une rigueur toute prussienne, deux examens étaient obligatoires : la crème battue aux chocolats et amandes pour la Sacher Torte, et la Génoise. J’avoue que mon inconscience de blanc bec m’a empêché d’évaluer les risques à leur juste valeur…voilà donc la suite.moule

J’ai acheté un moule à manqué démontable avec charnière de 20 cm de diamètre (plus pratique pour extraire le gâteau). J’ai passé au tamis la farine 45 et la fécule de pomme de terre (amidon extrait des tubercules), et je les ai mélangés. J’ai mis de côté les œufs et le sucre (de canne), et j’ai terminé en prélevant les graines d’une gousse de vanille.cas 16

Ensuite, dans un bol en verre, j’ai mis les œufs, la vanille et le sucre, pour les battre avec un fouet électrique, pendant au moins 10 minutes.

Une fois que j’ai obtenu un résultat très mousseux, j’ai rajouté les farines, et j’ai continué à fouetter.cas 21

Le moment venu, j’ai mis du papier sulfurisé dans le moule beurré, et j’y ai coulé dedans la crème.cas 22

J’ai réglé la four à 160°C, et j’ai laissé cuire pendant 30 minutes. J’ai attendu encore dix minutes qu’elle refroidisse, et puis j’ai sorti la merveille du moule (un peu abîmée sur la surface, mais personne ne le verra un fois la recette terminée…).cas 23

Venons finalement à l’élaboration de la cassata. Il vous faut à nouveau des œufs, du sucre glace (passé au tamis), du torrone, du cacao amer, du beurre, du chocolat fondant, du croccante, et une liqueur typique des Abruzzes, le Centerba (70° !). N’en ayant pas trouvé, j’ai utilisé de la Chartreuse (produite elle aussi par des moines, avec deux degrés  : 71° ou 55°).cent

Le Pan di Spagna étant déjà prêt, je l’ai coupé en quatre disques d’épaisseur égale. Et à l’aide d’une balance électronique, j’ai calculé les doses de liqueur pour chacun d’eux.

Après quoi, j’ai haché séparément torrone, croccante et chocolat, et travaillé le beurre dans un bol, à l’aide du fouet électrique.

Les jaunes des oeufs sont allés lui faire compagnie, l’un après l’autre, avec le sucre glace, en attendant que le tout soit bien homogène.cas 34

La crème, ainsi obtenue, a été partagée en quatre bols. Dans le premier j’ai ajouté le cacao, dans le deuxième le torrone et le chocolat, dans le troisième le croccante. Encore un coup de fouet dans les bols, avant de remplir le quatrième avec une cuillère des trois autres crèmes.cas 35

Et voilà le moment de reprendre les disques de Pan di Spagna. Chacun d’entre eux a été imbibé avec la liqueur, et sur le premier a été étalée la crème au chocolat.cas 36

Sur le deuxième disque, la crème au croccante. Sur le troisième, la crème au chocolat et torrone.cas 39 

Et comme dernière touche, le disque avec l’ensemble des trois crèmes, étalées aussi sur les côtés. J’ai ajouté une touche personnelle, avec quelques griottes. La cassata doit rester une nuit dans le réfrigérateur, pour prendre la juste consistance. Je vous laisse le choix de la taille des parts, à votre guise.aut

Mais en ce qui concerne le vin…permettez-moi de vous conseiller le Autentica Basilicata Igt bianco dolce, un mix de Moscato du Vulture et Malvasia, produit sur des terrains d’origine volcanique, dans les alentours de Potenza, en Basilicate.

Ingrédients x 4 personnes : 

pour le croccante = amandes 50 gr., sucre 60 gr., eau 40 gr., le jus d’un demi citron

pour le pan di Spagna de 200 gr., dans un moule 20×20 cm. = farine 45, 90 gr., fécule de pommes de terre 90 gr., sucre 180 gr., oeufs 6, les graines d’une gousse de vanille, une pincée de sel

pour la cassata = beurre 150 gr., 6 oeufs, sucre glace 100 gr., liqueur Centerba 100 gr., torrone 50 gr., cacao amer 25 gr., chocolat fondant 25 gr., croccante 25 gr.

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