Il y a des périodes de l’histoire italienne, que nous, les écoliers d’avant l’arrivée des smartphones et Internet, n’avons jamais beaucoup aimées. La domination espagnole du XVI-XVIIème siècle, par exemple, une époque qui pour les hidalgos de Madrid représente le Siglo de Oro (le siècle d’or), mais qui pour nous est un zeste plus compliquée. Les nouveaux maîtres étant très portés sur la religion et les gabelles, alors que la peste et les guerres sévissaient. Surtout en Lombardie, où la ville de Milan avait été choisie comme residence du gouvernement hispanique.
Situation bien expliquée dans I promessi sposi (Les Fiancés) d’Alessandro Manzoni, l’un des ouvrages majeurs de la littérature nationale, conçu pendant le Risorgimento et le romantisme, et sans cesse ressassé (du genre feuilleton brésilien) à l’école, comme à la télé et au théâtre. Jusqu’à devenir – heureusement – une parodie sur bande dessinée avec les personnages de Walt Disney (Donald et Daisy dans les rôles principales), et même une série télé comique, très populaire au début des année ’90.
Mais revenons à la grande histoire. Bien évidemment, tout le beau monde arrivé d’Espagne à la suite du gouverneur, nobles, gendarmes, jésuites et sainte inquisition, devait quand même se nourrir. Milan a de ce fait hérité de quelques traditions culinaires ibériques, parmi lesquelles font bonne figure les mondeghili. Une variation sur le thème des paupiettes de viande, introduites en Espagne par les Arabes pendant leur domination. Le mot même, en espagnol albóndiga (voir almóndiga, en vernaculaire) dérive de l’arabe al-bunduqa et fut vite modifié par les milanaises dans le patois du coin.
Pour préparer les mondeghili, on utilise une pièce de viande de boeuf de troisième choix, un peu grasse, idéale pour le bouillon et les plats à l’étuvée, située entre le dos et la poitrine de la bête, au-dessus du ventre, là où se trouvent les muscles dorsaux. En français ce sont le plat de côtes, le tendron et le flanchet, tandis qu’en italien on utilise le mot biancostato.
Les autre ingrédients de la recette sont des légumes et des épices : carotte, oignon, céleri, persil, et clou de girofle; une épice au puissant pouvoir antioxydant, connue déjà par les nobles romains, et très prisée au Moyen Âge par les riches gourmets.
Mettons donc le tendron à cuire dans une casserole, avec un cube de bouillon de boeuf, plus les légumes coupés en morceaux. Il faut attendre que la viande soit attendrie, au moins une heure, voire davantage.
On aura largement le temps pour préparer le reste de la recette. A savoir de la mie de pain trempée dans du lait, de la chapelure, du fromage Grana padano et l’écorce d’un citron (bio), un oeuf, de la mortadella de porc (voire de la saucisse de foie), et de la noix de muscade. Une épice rare, au XVIIe siècle, si chère qu’on la estimait aussi précieuse que l’or.
La mortadella devra être hachée et mise de côté.
La viande devra être détachée de l’os une fois la cuisson terminée, les cartilages et les tendons écartés. Mieux vaut d’ailleurs demander un morceau plus gros au boucher que celui requis pour la recette car on risque sinon de se retrouver avec trop peu de viande.
Reprenons la recette : la viande déjà dans le bol, il faut y ajouter la mie de pain au lait…
La mortadella…et mélanger le tout avec les mains.
La farce ainsi obtenue devra être passée dans le hachoir (deux fois).
Á présent, c’est le tour de l’écorce de citron râpé de finir dans le bol…
Sans oublier la noix de muscade…
Du Grana…
…et encore du persil haché. Bien sûr, on continue à mélanger la farce…
…avant de passer à la phase suivante : la création des mondeghili, à la main, un par un. En fait, à différence des paupiettes traditionnelles, elle sont légèrement aplatie et rectangulaires, d’un poids d’environ 35 gr. chacune. Toutes devrons être panées des deux côtés dans la chapelure…
…et disposées sur une feuille de papier sulfurisé…
Pour ensuite être cuites deux minutes de chaque côté dans du beurre; comme veut la tradition milanaise, plus qu’espagnole (plus attachée à l’huile extra vierge d’olive). Dernière étape, il faut les sortir du bain à l’aide d’un écumoire, et les disposer sur du sopalin, avant de les servir à table.
Et voilà le travail. A avaler bien chauds (en hiver), et froids en été, accompagnés par des légumes cuites, les vrais almondighi de la cuisine (populaire) de Milan.
Pour ce plat d’autrefois, comme vin je propose un rouge qui est aussi une rareté, le San Colombano al Lambro. Produit entre Lodi, Pavia et Milan, il est le seul A.O.C. (depuis 1984) de la province de Milan, quoique sur les collines du coin on cultive la vigne depuis l’époque romaine…
Ingrédients pour 18 mondeghili :
300 gr. de viande de boeuf
250 gr. de beurre
120 gr. de mie de pain
80 gr. de mortadella
80 gr. de lait
20 gr. de Grana padano
1 oeuf, 1 citron, 1 carotte, 1 celeri, 1 cube de bouillon
chapelure, persil, clous de girofle, noix de muscade, sel, poivre