Lors d’une récente escapade à Rome, j’ai repris contact avec les us et coutumes locaux. Et fidèle aux préceptes de Descartes, j’ai alterné plaisirs du corps et de l’esprit, avec peut-être un penchant pour les premiers. Cela m’a permis de constater la présence rassurante de bouis-bouis, où l’on peut se poser pour un encas ou un repas complet : pizzerie al taglio, trattorie et hostarie (au pluriel). L’affluence de touristes habitués aux hot dog et aux burgers a sensiblement diminué leur nombre, mais il y a un moyen pour établir leur authenticité : si sur le menu figure la trippa (de veau) à la romaine, c’est déjà un bon début…
Je sais, dans la Paris branchée, on grimace rien qu’à l’idée d’avaler des abats. Pourtant, l’origine du mot « tripe » semble être celtique ! et il n’y a pas si longtemps, les tripes à la normande (ou à la mode de Caen) étaient encore sur la table de vos grands-parents, n’est-ce pas ? En Italie, peut-être à cause de la crise économique pérenne (ou parce qu’on aime trop la bonne bouffe), cette tradition est restée bien ancrée, et pas qu’à Rome. Turin se nourrit d’erbera, Milan se vante de sa büsèca, Florence cultive la street food à base de Lampredotto, Naples a la zuppa alla marescialla, comme Catanzaro chérit le morsello dans la pita…De plus, les tripes sont, contrairement aux préjugés, un aliment maigre, riche en protéines, en fer et en vitamines du groupe B. Et surtout elles coûtent trois fois rien, comme le reste de la triperie – la queue, le coeur, la rate et tous les abats en général – connus à Rome sous le nom de quinto quarto (cinquième quart). Allons donc voir dans le détail les morceaux qu’il faut choisir pour cuisiner de bonnes tripes. D’abord il y a le rumine (la panse), le premier des quatre compartiments du système digestif de la bête. Suivent le reticolo (reticulum, réseau ou encore bonnet), le omaso (feuillet) et l’abomaso (caillette). Il y aussi le duodénum, qui relie l’estomac à l’intestin.
Attention ! Chaque recette spécifie le morceau à cuisiner. Sachez que la panse (à gauche sur la photo) est la partie la plus grasse et la plus épaisse, et qui constitue 80 % de l’estomac. Pour les tripes à la romaine, il faut du bonnet (photo de droite), qui ne devra jamais être trop blanc quand vous l’achèterez. Si c’est le cas, il risque d’avoir été déjà lavé avec de la soude caustique…La procédure correcte prévoit, de la part du boucher/tripier, une première cuisson dans de l’eau bouillante, rien d’autre.
Voici donc le bonnet, déjà coupé en lamelles, lavées et prêtes à être bouillies à nouveau une demi-heure, avec quelques feuilles de menta romana (menthe crépue ou douce). La menthe permettra de donner de la fraîcheur à l’ensemble, et favorisera la digestion.
Les tripes, une fois rebouillies, vont mijoter avec d’autres ingrédients : des oignons blancs, du céleri, des carottes, une gousse d’ail, et du guanciale (bajoue de porc). Ne vous inquiétez pas, les tripes en cuisant perdent beaucoup de leur volume, et si on veut manger à sa faim, l’ajout de la bajoue n’est pas de trop.
Le tout devra être réduit en hachis, plus ou moins fin, et frit dans une casserole avec de l’huile extra vierge d’olive. D’abord les carottes, l’oignon, l’ail et le celeri…
…et puis les tripes. Versez un verre de vin blanc, et quand il aura évaporé, salez et poivrez.
Ajoutez enfin de la sauce tomate. Mélangez-le tout, et laissez cuire pendant deux heures (au moins). Une demi-heure avant la fin de la cuisson, ajoutez encore quelques feuilles de menthe.
Avant de servir à table, parsemez de pecorino romano, et mangez-le bien chaud. Vous verrez, c’est un plat d’antan, certes, mais qui n’a pas pris une ride ! Et pour un plat bien romain, un vin du Latium uetus, comme le Ercole Nero Buono, obtenu d’un ancien cépage cultivé sur les collines volcaniques de Cori, dans le sud de la région.
Ingrédients pour 4 personnes : 1 kg. de tripes de veau, 400 gr. de poulpe de tomates, 100 gr. de bas joues de porc, 100 gr. de pecorino romano, 90 gr. d’oignons blancs, 80 gr. de carottes, 50 cl de vin blanc, 40 gr. de celeri, une gousse d’ail, huile extra vierge d’olive, quelques feuilles de menta romana, sel et poivre.
mangé cuit par mon vieil ami que je n’avais pas vu depuis 25 ans !! très savoureux, bien cuisiné … émerveillé par la cuisine romaine mise en place par, maintenant, un parisien … une pincée de piment! 🙂
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er piment sarà per la prossima volta. A buon rendere…
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