Carciofi fritti alla pugliese (Artichauts frits à la façon des Pouilles)

Nostalgie, un néologisme formé par nóstos (retour) et álgos (douleur), deux mots du grec ancien qui indiquent un sentiment ancré dans l’âme humaine depuis l’Antiquité. Mais ce n’est qu’il y a quelques siècles qu’un étudiant en médecine a éprouvé le besoin de le codifier. La naissance de ce mot est attribuée à l’Alsacien Johannes Hofer (1669-1752), diplômé en médecine et auteur d’une thèse intitulée ‘Dissertation médicale sur la nostalgie’, ou Heimwehe, à l’université de Bâle. Son étude portait sur les fréquents symptômes psychosomatiques dont souffraient les soldats mercenaires suisses envoyés loin de chez eux pendant longtemps (forcément, on était au beau milieu des 46 ans des guerres déclenchées par Louis XIV dans toute l’Europe…).

La nostalgie donc, c’est d’abord le mal du pays, ou pour utiliser le latin, c’est le desiderium, le désir, la sensation d’attraction et d’attente à l’égard de quelque chose jadis en notre possession, et qui à présent nous manque. Pour paraphraser une fameuse série télé, « la nostalgie est délicate, mais puissante. C’est une aspiration du cœur bien plus puissante que la mémoire. Cette chose n’est pas un vaisseau spatial, c’est une machine à remonter le temps. Elle va en arrière et en avant. Elle nous emmène à un endroit où nous mourrons d’envie de retourner. Elle ne s’appelle pas roue’, elle s’appelle carrousel’. Elle nous fait voyager comme le font les enfants. Des tours et des tours, et puis de nouveau à la maison, un endroit où nous savons qu’on est aimés. »

Et bien, au risque de paraître un peu trivial à vos yeux, je dois avouer que j’ai éprouvé ce pincement au coeur il y a quelques jours, lorsque je suis passé devant un primeur qui vendait des artichauts en provenance d’Italie. Question d’une seconde, et je me suis retrouvé enfant à la maison, les narines pleines de l’odeur d’huile d’olive, tandis que ma mère dans la cuisine faisait frire les légumes tout en hurlant « sortez d’ici, ça gicle ! »

Le paradoxe de cette émotion est que, bien qu’elle nous évoque le souvenir de quelque chose que nous avons perdu, elle déclenche aussi de la satisfaction, un certain bien-être. En effet, la nostalgie est souvent vécue par le cerveau de façon positive, puisqu’elle permet l’activation des circuits de la mémoire et de la récompense, l’accroissement de l’activité dans les zones cérébrales du plaisir, mais également dans la zone cérébrale impliquée dans la régulation des émotions. Bref, une sorte de Gestalt-thérapie des instants heureux, positifs, agréables, basée sur les souvenirs de l’artichaut…

Il y a de nombreuses recettes à base de ces chardons domestiqués et cultivés. Mais je suis allé à l’essentiel, avec des artichauts frits. Munissez-vous d’artichauts poivrades, d’un couteau à légumes et d’une planche à découper.

Mettez quelques gouttes de citron sur les doigts et sur la lame d’un couteau pour empêcher qu’ils noircissent, avant d’éliminer les feuilles extérieures les plus dures et de « blanchir » les tiges des artichauts.

Deuxième opération : mettez les artichauts dans un bol d’eau froide avec du citron pressé, pour enlever l’amertume du légume.

Occupons-nous maintenant de la « pastella« , la pâte à friture qu’ira recouvrir les artichauts. Tout d’abord il faut fouetter dans un bol deux oeufs entiers avec un peu de sel fin…

… puis ajouter de la farine tamisée de votre choix (moi j’ai utilisé de la semoule bio moulue deux fois de blé dur, plus fine).

… puis un peu d’eau gazeuse, pour rendre la pâte plus liquide et aérée…

…et un mélange haché de persil, ail et chapelure, pour la rendre plus savoureuse.

Reprenons les artichauts. Il faut les égoutter, les sécher, les couper en lamelles (y compris les restes des tiges)…

…et puis les jeter dans un sachet plein de farine, avant de le secouer comme il faut, de façon telle qu’ils soient bien recouverts.

Le moment venu, on installe tout à côté de la casserole pleine d’huile à frire. Et ici s’impose un choix : soit vous utilisez l’huile de grains de tournesol (11% de graisses saturées), soit vous optez pour l’huile extra vierge d’olive (15 %). Tout de même l’huile d’olive, avec une résistance élevée à la chaleur et à l’oxydation, a un pourcentage de graisses mono-insaturées (bonnes pour la santé) à 75 %, contre seulement 50% pour l’huile d’arachide.

Mais encore, il y a des substances qui sont bénéfiques à température ambiante, mais qui, à haute température, libèrent des agents toxiques telles que les peroxydes et les radicaux libres, considérées comme nocives et cancérigènes, présentes dans les huiles particulièrement riches en graisses polyinsaturées. Elles s’élèvent à 65% dans l’huile de tournesol, à 30% dans l’huile d’arachide, et à seulement 10% dans l’huile extra vierge d’olives.

Ce n’est pas fini ! Un autre aspect à prendre en compte lors du choix de l’huile de friture est son point de fumée, c’est-à-dire la température maximale qu’une huile peut atteindre avant de commencer à brûler, à se décomposer et à créer des substances toxiques pour le foie, comme l’aldéhyde acrylique et l’acroléine. Et bien l’huile extra vierge d’olive bat tout le monde à plate couture avec ses 210°C (180°C pour l’arachide, encore moins pour le tournesol).

Quant à la saveur, l’utilisation de l’huile d’olive extra vierge dans les fritures suscite la perplexité car elle est « lourde » en goût, comme si les aliments aimaient l’absorber. L’huile d’arachide, quant à elle, permet de préparer une friture au goût plus léger. Mais si vous connaissez quelqu’un des Pouilles, ne lui dites pas, question de ne pas déclencher une guerre de trente ans…

Bref, assez de disquisitions philosophiques, au boulot ! il faut d’abord noyer les artichauts dans la « pastella » pour ensuite les frire un par un, jusqu’à quand ils commencent à changer de couleur, en devenant dorés. Ce sera le moment de le poser sur une feuille de sopalin pour éliminer l’excès de gras…

…avant de le servir à table bien chauds.

Au fait, quand ma mère cuisinait les artichauts, il y avait aussi toujours quelques petites choses pour les accompagner, de la focaccia d’Altamura, des nodini (mozzarelle) de Noci, des taralli de Bitonto, des olives de Cerignola, un peu de charcuterie de Martina Franca…

En ce qui concerne le vin, je miserais sur le Bombino bianco, un cépage cultivé dans les Pouilles – province de Foggia – depuis le XIII siècle.

Ingrédients pour 4 personnes : 6 artichauts moyens, deux oeufs, une cuillère de sel fin, un demi litre d’eau gazeuse, environ 200 g. de farine T45 (ou semoule de blé moulue deux fois), une gousse d’ail, persil, chapelure, un demi litre (voir plus) d’huile au choix (de tournesol ou extra vierge d’olive).

Ainsi rassasiés, il ne vous restera qu’à attendre le prochain tour de carrousel.

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