Cacciucco alla livornese (Cacciucco à la livournaise)

On peut jouer avec beaucoup de choses, en Toscane, mais pas avec la tradition. C’est ainsi qu’une grande marque de l’industrie alimentaire comme Buitoni a dû composer avec une ville entière, à cause de la mise sur le marché d’un produit surgelé nommé ‘Cacciucco à la livournaise’. Après une bataille acharnée, Livourne a obtenu l’élimination de l’origine géographique du produit. Même si « Cacciucco » est resté, au grand malheur des Livournais qui revendiquent cuisiner bien plus qu’une simple soupe de poisson. pesca

« Cacciucco » (catchouco), le mot est sacré et gare au touriste qui ne saurait pas prononcer comme il faut ses cinq « c ». Les Livournais souffleraient entre leurs dents un De’ (l’expression typique du patois du coin) plein de dépit.Le plat est bien méditerranéen mais il est difficile de déterminer son origine exacte tant Livourne a été un carrefour. livPort d’amarrage pour les bateaux dès l’Antiquité romaine, la ville a explosé démographiquement au XVIe siècle quand les Medicis de Florence en ont fait une ville franche. Elle a accueilli des Juifs séfarades chassés d’Espagne, des Arméniens, des Grecs, des Syriens, et puis des Turcs, des Allemands, des Portugais, des Français, etc.

Pas de surprise donc, à ce que le nom de ce plat soit sujet à débat. Selon certains, il viendrait du turc küçük, ‘de petites dimensions’, en raison des petits morceaux de poisson qui le composent. D’autres y détectent un accent espagnol, parce que dans cette langue cachuco serait le nom d’un poisson. Et certains ont même pensé au vietnamien canh chua cá (soupe de poisson aigre), puisque les Livournais naviguaient jusqu’en Extrême Orient. C’est une soupe de poissons comme il y en a beaucoup en Italie. Sauf que la recette de Livourne se distingue des autres par son goût pimenté et aillé et par la densité de son bouillon. Note pour les amateurs de cuisine que vous êtes : comme vous le savez, faire une soupe de poissons est plutôt long et fastidieux. Il faut se procurer différents poissons, crustacés et mollusques, se salir les mains avec les entrailles, les arrêtes et les têtes de poisson, respirer un air saturé en eau de mer. Si vous n’aimez pas cela, passez votre chemin, sans regret. Mais vous ne saurez jamais ce que vous aurez perdu… P1010304Cela dit, il y a un moyen pour simplifier les choses : demandez à votre poissonnier de faire écailler et vider les poissons, et s’il n’est pas pressé, demandez-lui aussi d’enlever les poches d’encre des seiches et des poulpes. Si vous ne trouvez pas les ingrédients nécessaires, il ne faut pas hésiter à improviser, comme j’ai dû le faire.

Sur la photo ci-dessous, en haut à gauche, il y a des sardines, et pas les vives et les petits rougets de roche requis pour le bouillon; à droite des moules et des crevettes (normalement il faut des cigales de mer, mais à Paris…). Ensuite en bas à gauche, il y a des petites seiches et des encornets (au lieu d’un poulpe, trop gros pour moi, et de calamars), une tranche d’espadon (à la place du chien de mer, et une autre de lotte, à la place du congre). Il y a aussi de pinces de tourteau (à la place des petits crabes). En bas à droite, il y a des grondins rouges et des rougets barbets (plutôt que le sébaste). P1010305A présent, mettez-vous au travail : lavez les poissons, coupez-leur les têtes et gardez-les pour le bouillon. Coupez aussi les nageoires. Coupez en tronçons les poissons les plus gros, pour rendre la cuisson homogène. Lavez les moules et éliminez à l’aide d’une brosse en métal les incrustations des coquilles. P1010306Lavez les seiches et les encornets et coupez-les en fines lamelles, tentacules comprises. Mettez sur le feu une marmitte avec un litre d’eau et ajoutez-y les restes des poissons et les sardines (personnellement je les avait vidées avant). Laissez mijoter.
Entre temps, préparez le céleri (ou le fenouil), les carottes, l’oignon, le persil et l’ail. Emincez-les et jetez le tout dans l’eau du bouillon. Portez à ébullition et continuez la cuisson pendant au moins trois quarts d’heure. P1010311Faites chauffer de l’huile dans une large poêle, faites-y revenir un oignon et ajoutez-y un pilé de persil, ail et piment. Jetez-y les seiches et  les calamars. Attendez qu’elles aient commencé à changer de couleur, arrosez-les avec du vinaigre, un verre de vin rouge et tout de suite après versez le coulis de tomates (en bouteille De Cecco, il remplacera très bien les tomates fraîches pour la sauce, hors saison). Faites cuire pendant une demi-heure. P1010313Reprenons le bouillon. Sortez les morceaux de poissons et mettez-les de côté. Passez tout le reste dans le moulin à légumes avec le disque le plus fin (vous verrez, il faudra le nettoyer au moins deux fois). Le produit ainsi filtré devra être remis dans le bouillon de poisson (avec les morceaux de tout à l’heure). Portez-le à nouveau à ébullition et ajoutez  la sauce tomate précédemment décrite.
Ouvrez les moules dans une poêle avec un peu d’huile et de persil, après quoi écartez les coquilles vides. Récupérez le jus (filtré, bien évidement) et ajoutez-le à la sauce sur le feu. Ajoutez du sel, puis les crevettes, les tranches de poisson plus consistant (l’espadon), le crabe, et enfin, peu après, le grondin, la lotte et les moules. P1010314

Dans le quart d’heure qui va se suivre, vous aurez le temps de faire griller des tranches de pain, qu’il faudra frotter d’ail. P1010316C’est le moment ! Procurez-vous un grand bol, placez au fond la tranche de pain et déposez-y dessus (à l’aide d’un écumoire) morceau après morceau, les poissons. Pour terminer, verser le bouillon chaud et servez. Il n’y a plus rien à dire, sinon un De’ de bon augure (et pardon pour la qualité de la photo)… P1010320Pour un plat si généreux et plein de saveurs, il faut un vin de caractère. Les Livournais boivent un Val di Cornia ou un Montescudaio Rosso jeune (et oui, encore une fois sur un plat de poisson pas de vin blanc, comme pour la teglia des pommes de terre, riz et moules à la façon de Bari).

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Ingrédients pour 4 personnes :

1 poulpe et 1 seiche (sinon des encornets et calamars) pour environ 300 gr.
environ 1 kg des poissons : sébaste, grondin, tranches de chien de mer et congre
250 gr. de cigales de mer (crevettes) et petits crabes
250 gr. des moules
huile extra vierge d’olive = 1 dl
coulis de tomates (500 gr.)
persil, piment rouge, 2 gousses d’ail
1 verre de vin rouge
1 cuillère de vinaigre
sel

Pour le bouillon :

250 gr. de petits poissons (sardines, ou vives et petits rougets de roche)
1 oignon, 1 petite carotte, 1 branche de céleri (ou un morceau de fenouil)
persil, 1 gousse d’ail, sel

Tranches de pain grillés frottés d’ail

Un commentaire sur “Cacciucco alla livornese (Cacciucco à la livournaise)

  1. belle recette et tres bon rappel historique pas de souvenir de crabes dans la recette de ma mere mais importance des cigales de mer , gout incomparable , et des rougets ( trigle alla livornese)

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