Pasta alla carbonara (pâtes à la carbonara)

Etez-vous allé à Londres, dernièrement ? Plusieurs chaînes de restaurants à la page, noires de monde, arborent des noms ‘italiens’ même s’ils n’ont aucun rital aux fourneaux. Rien de plus normal, vous me direz, dans une métropole. Sauf que les plats qu’on y consomme (moi y compris) sont des copies pas toujours conformes à l’original. Prenons par exemple les pâtes à la carbonara, le plat italien le plus connu à l’étranger (avec la pizza et les pâtes à la bolognaise). Et bien, au lieu de la sauce à base d’oeuf, les « chefs » britanniques utilisent de la béchamel industrielle. Très populaire chez les British, mais décidément une hérésie pour ce plat !

D’ailleurs, on trouve dans le commerce un tas de sauces toutes prêtes. Promues à grand renfort de publicités, ultra caricaturales, avec des « Italiens » (même des marionnettes) bien bruns, grosses moustaches et chemise à carreau ou marcel blanc, chaîne en or. A croire que le don Vito Corleone de Francis Ford Coppola est toujours vivant…

(Vous remarquerez que j’évite bien soigneusement de ne pas évoquer le problème des Français avec la carbonara. La crème fraîche, les lardons, le gruyère râpé et les pâtes trop cuites… Hum, passons).

Petit rappel ethno-gastronomique. Les pâtes à la carbonara sont nées (probablement) au centre de l’Italie au XIXe siècle chez les pauvres pasteurs et charbonniers qui voyageaient entre les Abruzzes, l’Ombrie et le Latium vers Rome, capitale des Etats Pontificaux. La raison est simple : ces hommes vivaient dehors et portaient seulement une besace, dans laquelle ils mettaient des pâtes sèches, un morceau de viande fumée, un peu de poivre et du fromage, quelques œufs… ingrédients faciles à conserver, à cuisiner, à avaler avec les mains.

D’ailleurs pour les plus pinailleurs il y a une référence presque parfaite. Ippolito Cavalcanti, duc napolitain vécu entre la fin du XVIII et la première partie du XIX siècle, parle dans son livre de recettes Cucina teorico pratica (et oui, il était chef confirmé, dans le genre de certains nobles français) d’un plat de pâtes assaisonnées avec fromage râpé, oeuf et matières grasse animale (probablement saindoux). Seules manquent poivre et bajoue, mais on y est presque…

Après cette longue mais nécessaire introduction, voici la recette, la vraie. En 15 minutes, l’affaire sera dans le sac.

Procurez-vous du guanciale (bajoue de porc, la partie charnue inférieure de chaque côté de la tête), des oeufs extra-frais (un par personne), du fromage pecorino romano doux (et rien d’autre !), du poivre, de l’huile d’olives extra vierge.

Mettez d’emblée sur le feu l’eau pour les pâtes. Attendant l’ébullition, coupez la bajoue en petits dés, après quoi mettez-les à frire avec une goutte d’huile dans un poêle. Quand la graisse aura commencé à devenir translucide et croquante, éteignez le feu.

Passons aux oeufs. Prenez un bol , rompez les oeufs et battez-les jusqu’à obtenir une émulsion très légère (pour aller plus vite, on peut utiliser une fourchette mais le résultat sera moins mousseux).

Ajoutez-y le pecorino râpé, le poivre moulu. Remuez les ingrédients encore un peu, et réservez le tout. Quand l’eau est arrivée à ébullition, faite cuire les pâtes (les spaghetti c’est le meilleur choix, selon moi).

Quand elles sont cuites et égouttées, versez les pâtes dans la poêle avec la bajoue.

Touillez un moment et ajoutez la préparation avec les oeufs.

Faites attention à ne pas verser les oeufs dans une poêle trop chaude, car sinon la sauce va durcir en omelette. Les oeufs doivent rester « baveux ». Terminez avec quelques cuillères de fromage râpé.

Voilà, vite fait, bien fait.

Pour ce qui concerne le choix du vin, il est vrai que les productions du Latium sont moins connues que celles de Toscane ou du Piémont (surtout en France). Il est vrai aussi qu’un plat comme la carbonara, à l’apparence très simple, réunis l’onctuosité de l’oeuf, la douceur des pâtes, l’épicé du poivre, l’arôme du pecorino et le fumé de la bajoue. 

Pour ceux qui aiment le rouge, je suggère un vin de Cori (au sud du Latium, dans la province de Latina), le Capolemole, domaine Carpineti, du 2009. En revanche, si on préfère le blanc, un Colli Lanuvini Superiore A.O.C., de Frascati (province de Rome). Moi, j’aime bien la bière blonde.

Variations sur le thème de la carbonara. Vous voulez varier les plaisirs, mais il vous manque un ingrédient, comme au duc Ippolito?  Vous pouvez cuisiner des spaghetti alla papalina – avec du jambon cuit à la place de la bajoue, des pâtes cacio e pepe (fromage et poivre), cacio e uova (fromage et oeufs), alla gricia (bajoue et fromage, sans oeuf). Il existe même une carbonara végétarienne avec des courgettes à la place de la poitrine fumée.

Ingrédients pour deux personnes :

200 gr. de pâtes

60 gr. de de poitrine fumée (ou bajoue de porc)

50 gr. de pecorino romano

deux oeufs

sel

poivre

huile d’olives extra vierge

Alors, toujours partants pour une pasta-box ?


Mise à jour le 11/05/2012.

Il y a deux jours, une bloggeuse anglaise a publié sur le Guardian un post intitulé « How to cook the perfect spaghetti carbonara ». C’est rédigé avec méthode, balancé, mais je ne peux m’empêcher de relever deux ou trois passages à mon avis un peu trop ‘british’.

First of all : c’est bien d’évoquer les origines possibles du pat, mais parler des GI’s comme des importateurs éventuels du bacon et des oeufs de la carbonara, non vraiment, ce n’est pas sérieux.

Deuxio : convoquer Sophia Loren pour relater des origines (encore) de ce plat, c’est peut-être bien pour les britanniques, chez nous c’est un peu trop folklorique.

Tertio : si on cite la recette adoptée par un restaurant situé dans un des lieux les plus connus de Rome (Piazza de’ Campo dei Fiori), on a intérêt à vérifier ses citations. Il ne s’appelle pas Carbonni, mais La Carbonara

Last but not least : sur le fond, la bloggueuse fait un peu trop de concessions au goût local (anglais). Le beurre, la crème fraiche, l’ail, conseillés par les chefs au nom ‘italien’ sont vraiment malvenus pour ce plat. Un peu trop de chichis donc pour un des piliers de la cuisine familiale italienne, plutôt liée à la tradition, et pas aux vertiges artistiques des restaurants des métropoles…

Mise à jour le 23 février 2021 :

Une bloggeuse américaine – Kay Chun – apparement experte de cuisine italienne (à la façon des USA), a publié un post sur le NYTimes, à propos d’une carbonara avec bacon et sauce tomate. Je passe sur l’utilisation du parmesan (surement produit en Amérique) à la place du pecorino et sur le bacon, mais la sauce tomate qui – selon la Chun – donne « un goût brillant » à l’ensemble…vous comprendrez qu’on est pas encore sorti de l’auberge. Mais alors là pas du tout !

Alors, il vaut mieux remonter aux sources…

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