Pour une fois, je ne vais pas faire mon vieux con. Je vous épargne donc un couplet sur les affreuses sauces bolognaises toutes prêtes et les pseudo réinterprétations de ce standard, parfaitement dégueulasses. Avec le ragoût à la bolognaise, on touche une fois de plus au saint des saints, à l’un des piliers de la cuisine de Bologne (et de l’Emilie-Romagne en général). Le ragoût date probablement du Moyen Age, mais la première mention officielle du ragoût associé à des pâtes date de la fin du XVIIIe siècle, dans l’oeuvre d’Alberto Alvisi, chef cuisinier de l’archevêque d’Imola, Barnaba Chiaramonti, qui devint plus tard Pio VII, le pape qui en 1809 refusa de céder à la France les Etats Pontificaux (« non possumus… »).
Depuis le ragoût n’a pas cessé d’être employé selon certains canons, élaborés d’abord par le célèbre gastronome Pellegrino Artusi en 1891, et officialisés en 1982 par la délégation bolognaise de l’Académie italienne de la Cuisine auprès de la Chambre de Commerce de la ville. La recette est facile, mais la cuisson dure plus de deux heures. Pour la viande, j’ai utilisé une tranche de boeuf plutôt grasse appelée cartella, (le muscle qui sépare les poumons de l’estomac), même si en réalité la tranche la plus utilisée est la finta cartella, le ventre.
La cartella est évidemment hachée. Elle est associée au porc : de la chair à saucisse et de la poitrine fumée (ou du saucisson, si vous voulez rendre la sauce moins grasse). Les autres ingrédients : un oignon, du beurre, une branche de céleri, une carotte, un demi verre de vin rouge, sel, poivre, un dé de bouillon de viande, de la passate (coulis) de tomate, quelques gouttes d’huile extra vierge et du fromage parmigiano reggiano (si possible, affiné de 30 mois).Hachez très finement la poitrine fumée avec l’oignon, le céleri et la carotte.
Faites chauffer dans une poêle 50 grammes de beurre, ajoutez les ingrédients mentionnés ci-dessus, et laissez réduire pendant une demi-heure, le temps que le gras de la poitrine fonde.
Entre temps mélangez les viandes hachées de boeuf et de porc. Après quoi ajoutez la préparation dans la poêle, augmentez le feu et continuez la cuisson, en touillant régulièrement. Dès que la viande aura changé de couleur et aura perdu un peu d’eau, rajoutez du sel et du poivre, un peu d’huile, et mouillez avec le vin rouge.
Attendez que le vin soit évaporé, versez le coulis de tomates (j’ai utilisé un demi verre de passata de tomate De Cecco), quelques louches de bouillon chaud, baissez la flamme au minimum et laissez mijoter deux bonnes heures. De temps en temps, il vous faudra rajouter du bouillon, mais au final le ragoût devra réduire, réduire encore et être très dense.
Pour mieux lier la sauce, ajoutez de la crème fleurette (ou du lait). Pour la touche finale, parsemez de parmesan râpé. Melius abundare quam deficere…
Venons-en aux pâtes. Pour accompagner votre ragoût, surtout ignorez les spaghettis, qui viennent du Sud de l’Italie et sont donc absolument étrangers à la tradition émilienne, préférez-leur les tagliatelles fraîches (à base d’oeuf), les lasagnes (c’est la même recette, avec de la béchamel), ou la polenta.
Je sais que les Français, dès que l’on parle de vins italiens, prononcent comme un mantra le mot Lambrusco (qui est d’ailleurs produit dans les alentours de Modena et Reggio Emilia). Or, il y a quatre types de Lambrusco, et presque à coup sûr, vous ne trouverez pas le meilleur en supermarché. Et d’ailleurs, ce vin pétillant est plutôt indiqué pour accompagner des plats de charcuterie et de fromages. Donc exit le Lambrusco. Je propose le Bonzarone de 2001, un cabernet sauvignon des Colli Bolognesi, affiné en barriques de chêne entre douze et quinze mois.
Ingrédients pour 4 personnes :
150 gr. de steak haché
150 gr. de chair à saucisse
100 gr. de poitrine fumée
50 gr. de beurre
1/2 verre de vin rouge
1 cuillère de concentré de tomate (ou un demi verre de passata)
1 grosse tasse de bouillon de viande
1 oignon, 1 branche de celeri, 1 carotte
Huile, sel, poivre, un peu de lait
A propos, je vous ai dit que le résultat est fabuleux?