« Beddi cannuola di Carnivali…su biniditti spisi li dinari…ogni cannolu è scettru di Re… » (« Les beaux cannoli de carnaval… béni soit l’argent dépensé pour les acheter… car chacun d’entre eux est un sceptre de roi ! »)
Voilà comment un voyageur sicilien du XIXème siècle décrivait les cannoli, gâteaux parmi les plus connus de la tradition sicilienne (pleine de bonnes choses). L’origine de ce mets est difficile à déterminer : il daterait de l’Antiquité romaine, de l’arrivée des Arabes dans l’île ou serait lié aux fêtes chrétiennes du Moyen-Age. En se basant sur les ingrédients de la recette originale, on peut simplement affirmer que les cannoli tels qu’on les connaît aujourd’hui pourraient remonter à la moitié du XVIème siècle, puisque on y trouve (entre autres) du sucre, du cacao et du café.
Produits autrefois durant le carnaval, surtout par les nonnes des couvents (mine de rien, ça coûtait cher, et qui pouvait avoir tant de ressources ?), les cannoli sont désormais un peu victimes de leur succès.
On en trouve partout, et même dans le ventre de Paris…mais la pâte est industrielle. Puisque je suis fan des traditions artisanales, j’ai décidé de tenter ma chance en les faisant comme à Palerme, où les vrais cannoli sont appelés mignulicchi (les petits doigts), vous verrez pourquoi.
A présent, il faut me suivre dans la préparation, tout en sachant qu’il faut du temps, et que l’ingrédient de base, la ricotta de brebis, est quelque peu difficile à trouver, à Paris…
…quand vous aurez réussi à vous en procurer, faites-la reposer dans une petite passoire, à l’intérieur d’un bol, et mettez-la au frigo. Entre temps dédiez-vous à la création de la pâte que les Siciliens appellent l’écorce (scuorza).
Dans un autre bol, mettez de la farine tamisée, une petite cuillère de sel, du café et de la cannelle en poudre, du cacao amer et du sucre glace, eux aussi tamisés. Ajoutez du saindoux (ou de l’huile extra vierge d’olive), un jaune d’oeuf et du vinaigre de vin blanc, mélangés à du Marsala sec. Mélangez le tout très lentement puis pétrissez la pâte.
Il faudra qu’elle soit souple, compacte et élastique (dit comme ça, cela a l’air facile, mais non, rassurez-vous…). Couvrez-la avec du film alimentaire et laissez-la reposer au frigo pendant au moins une heure.
Bien, c’est le moment de préparer la farce. Sortez la ricotta du frigo et posez-la dans un autre bol, mélangez-la avec du sucre. Couvrez avec un film alimentaire et remettez le tout au frigo pendant une heure.
Passez ensuite la ricotta sucrée dans un tamis aux trames fines, avant d’y ajouter… la vraie recette d’antan voudrait que ce soit des petits cubes de courge confite; mais c’était au-dessus de mes forces. J’ai opté donc pour des gouttes de chocolat noir (qui sont le plus souvent utilisées), qu’il m’a fallu tout de même casser à la main. Intégrez-les doucement à la ricotta.
Prenez à présent la boule de pâte et étalez-la avec un rouleau à pâtisserie (et d’une machine à pâtes), jusqu’à ce qu’elle mesure environ deux millimètres d’épaisseur. Utilisez ensuite un cylindre (d’environ neuf centimètres de largeur) pour obtenir de petits disques, que vous élargirez (très délicatement) à la main pour les rendre ovoïdales.
C’est le moment de créer les cannoli. Autrefois on utilisait les joncs de roseau, mais aujourd’hui on a des rouleaux en métal (qu’ils faudra huiler), sur lesquels on enroule la pâte. Les extrémités des scuorze doivent être mouillées avec un peu de blanc d’oeuf pour que les petits « cigares » ne se détachent pas.
Mettez du saindoux (ou de l’huile) dans une casserole et laissez frire les cannoli à180 degrés pendant environ une minute, avant de les égoutter sur du papier linge.
Attendez que les rouleaux soient refroidis, avant de sortir les cannoli, faute de quoi vous risquez (comme moi) d’en casser quelques uns.
Bien, c’est le moment le plus délicat. Remplissez un poche à douille (à ouverture large) de ricotta et de chocolat, pour farcir les cannoli. Faites-le au dernier moment, juste avant de les servir, pour que la pâte reste croquante. Vous verrez, c’est un vrai exercice zen…
Ajoutez enfin, pour la déco comme pour le goût, de petits morceaux d’orange confite aux deux extrémités des cannoli et saupoudrez le tout de sucre glace.
Alors, avez-vous bien respecté les proportions ? Un cannolo doit faire la taille d’un (gros) petit doigt.
Détail important : accompagnez les mignulicchi d’un bon Marsala. Il paraît qu’il aide à la méditation et fait oublier la quantité de calories absorbées…
Ingrédients pour 24 cannoli (tant qu’à faire…)
Farine : 250 gr.;
Sucre glace 30 gr.;
Saindoux 50 gr. (ou huile extra vierge d’olive)
Vinaigre de vin blanc : 30 ml
Marsala sec : 30 ml (voire plus)
Cacao amer en poudre : 5 gr.
Café et cannelle en poudre : 1 cuillère
Sel : 1 cuillère
1 rouge d’oeuf
Pour la farce :
Ricotta de brebis : 750 gr.
Sucre : 300 gr.
Chocolat noir en gouttes : 75 gr.
Garniture :
Oranges confites et sucre glace
1 oeuf pour humecter
Pour frire, saindoux ou huile : 1 litre