Petto di tacchino all’ascolana (Poitrine de dinde à la façon d’Ascoli Piceno)

La dinde a fait son chemin dans nos assiettes depuis le XVIe siècle. Arrivée en Europe à cette époque, la poule d’Inde a été vite adoptée par la tendreté de sa chair, et peut-être aussi parce que tout ce qui arrivait du Nouveau Monde était, pour ainsi dire, à la mode. 

Aux noces entre Charles IX, fils de Catherine de Medicis, et Elisabeth d’Autriche, en 1570, le mets plut à tout le monde, au point que le roi envoya des spécimens au pape, qui apprécia à son tour. Même les Français acceptèrent de bon gré le changement progressif de leurs habitudes alimentaires.

Joseph Favre dans son Dictionnaire universel de cuisine affirmait : « La dinde, dès ce jour, prit dans sa patte noire le sceptre des festins, que l’oie des vieilles Gaules tenait dans la sienne depuis Charlemagne et César ».

J’avoue que j’ai presque les larmes en pensant à Caius Juilus aux prises avec ses oies gauloises. Celles-ci étaient toujours rôties ou brochées, alors que la dinde inspira un vent de nouveauté en cuisine.

Auguste Escoffier, le « roi des cuisiniers » et « cuisinier des rois », eut le bon goût de la transformer en coffre-fort, en la remplissant de farce aux marrons, cèpes, truffes, huîtres et foie gras… Mais la Belle Epoque n’a pas duré. La dinde a perdu ses lettres de noblesse et ne retrouve le chemin des grandes tables qu’à Noël. Les dindes françaises sont le résultat des croisements qui visent le développement des caractéristiques productives et fonctionnelles et la majeure partie de la production française part vers l’étranger.

En Italie, en revanche, on cuisine encore la dinde en toutes les sauces et quelque huit races survivent encore dans le nord de la péninsule. Bien évidemment nous sommes nous aussi sous la férule de la mondialisation. Au marché (en espérant qu’ils ne soient pas lavés à l’eau de javel comme aux Etats Unis) on peut trouver trois types de dindes, un léger (3,5-5 kg), un moyen (7-10 kg) et un lourd (10-12 kg). Les deux premiers sont consommés entiers, le troisième est destiné à la consommation en portions.

C’est un morceau de choix, la poitrine, que j’utilise dans cette recette dont tout le secret repose sur une farce à l’ascolana, avec des olives essentiellement. Mais pas n’importe lesquelles. Dans les Marche (région à très forte vocation agricole), les meilleures, protégées par un AOC., sont les ascolane tenere del Piceno, cultivées seulement dans 60 communes de la province d’Ascoli Piceno et 26 de la province de Teramo. Connues depuis l’époque romaine, appréciées par les papes (tiens, comme la dinde…); elles sont associées à des aromates, des fegatelli (foies de poulet ou de pintade), et d’autres épices. Mais rien vous empêche d’essayer aussi avec des cèpes, des truffes, des châtaignes, dont la région toute entière regorge.

D’abord, lavez et séchez les aromates, mettez-les dans une casserole avec du vin blanc et laissez bouillir jusqu’à ce que le vin soit réduit de moitié. Coupez le feu et filtrez alors le vin dans un bol. Attention : le vin évapore vite, et puisque il vous faudra en avoir pour baigner la viande durant la cuisson, il vaut mieux ne pas lésiner sur la quantité.

Dédiez-vous à présent à la farce. Prenez les foies de volaille, les olives et des baies de genièvre. Pilez les baies dans un mortier, dénoyautiez les olives, émincez-les avec les foies et ajoutez-y la poudre de genièvres. Mélangez le tout.  

Battez la poitrine de dinde pour l’aplatir, et déposez au milieu la farce, dans le sens de la longueur. Ensuite, enroulez-la sur elle-même et ficelez-la.  

Mettez la viande à tremper dans le vin aromatisé pendant au moins trois heures. 

Ensuite, égouttez la viande, salez et poivrez-la, et mettez-la à cuire pendant une heure dans une casserole à feu doux. De temps en temps, mouillez-la avec le vin.

A la fin de la cuisson, sortez la dinde de la casserole et retirez la ficelle…

…avant de la servir coupée en rondelles avec sa sauce, et quelques pommes de terre, olives, champignons…

Les Marche ont des vins rouges excellents. J’ai choisi un Rosso Piceno Superiore A.O.C., dans ce cas obtenu au 100% du cépage Montepulciano.

Ingrédients pour quatre personnes 

700 g de poitrine de dinde
1 litre et demi de vin blanc
200 g d’olives vertes (possiblement d’Ascoli Piceno)
2 foies de poulet (ou de pintade)
6 cuillères d’huile extra vierge d’olive
2 branches de thym, 2 branches de marjolaine, 2 branches de romarin
6 baies de genièvre
persil, basilic, sauge
sel et poivre
ficelle

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