Coscia di capriolo alla trentina (Cuisse de chevreuil comme à Trente)

J’ai pas gardé un bon souvenir de mon premier contact avec un chevreuil. En vacances tout petit dans le Trentino Alto Adige, région frontalière avec l’Autriche, je fus contraint par ma mère de m’habiller avec des lederhosen, des pantalons courts en cuir à bretelles (et oui, l’héritage des Habsbourg passe aussi par là), décorés sur le plastron avec un chevreuil. 

Bien des années plus tard, j’ai retrouvé le petit animal craintif peint dans les grottes de la préhistoire, figé dans les mosaïques des Grecs et des Romains, associé aux mythes, dieux et empereurs chasseurs. Il restait néanmoins pour moi, homme de la mer et des plaines du Sud, un peu une énigme, jusqu’à ce que j’en appris un peu plus sur la chasse elle-même. Dans le plus ancien traité écrit en français sur la vénerie et la fauconnerie, composé vers 1370, le Livre du roy Modus et de la royne Racio, les animaux à chasser y sont classés en deux catégories : doulces et puans (les ‘sans odeur’ et ceux qui puent). Dans la première il y a le cerf, le daim, le chevreuil et le lièvre, les paladins de la chasse noble, en quelque sorte. Dans l’autre il y a l’ours, le sanglier, le loup, le renard, le blaireau et le chat sauvage, autrement dits gibier ignoble, ou gibier noir. La chasse indiscriminée de ces dernières siècles a pratiquement rayé de la carte européenne la plupart du gibier ‘ignoble’ (sauf le sanglier); laissant ainsi des espaces énormes aux herbivores de la première catégorie. D’où l’exigence d’organiser des parties de chasse régulières pour diminuer leur nombre. J’ai participé l’an dernier en qualité de spectateur à une partie de chasse au chevreuil, dans les bois entre le Lot et l’Aveyron. Elle a duré une demi-journée, au cours de laquelle j’ai couru, sauté, marché, sué et j’en passe. Trois spécimens ont été abattus et tout de suite vidés, dépecés et distribués aux participants. Moi aussi j’ai eu droit à un petit cadeau, le foie et le cœur, que j’ai cuisinés le soir-même. Plus récemment, un des chasseurs du même village m’a offert une cuisse de chevreuil. Pris de nostalgie pour mon enfance – y compris pour les lederhosen – j’ai décidé de la préparer comme dans les montagnes de Trento. Je l’ai donc laissée mariner une journée entière dans un saladier avec du vin rouge corsé, du poivre, du thym, du laurier, du romarin, des baies de genièvre, un fenouil et une carotte. Gibier noble ou pas, c’est tout de même un animal sauvage…
caprio 1
Le lendemain, j’ai égoutté la cuisse et pratiqué des incisions au couteau sur la partie supérieure, avant d’y fourrer des tranches fines de poitrine fumée, pour aromatiser davantage l’ensemble et aussi graisser la viande qui est un peu sèche.
caprio 2

Ensuite j’ai fait réchauffer dans une casserole de l’huile extra vierge d’olive avec une gousse d’ail écrasée. Lorsque j’ai jugé que l’ail avait parfumé suffisamment l’huile, je l’ai enlevé et j’ai mis à sa place la cuisse. Je l’ai laissée dorer pendant un bon quart d’heure, en ajoutant entre temps une bonne partie du vin de la marinade (filtré des autres ingrédients, qui ont été passés au mixer).
caprio 3
Pour mieux lier le jus de cuisson, j’ai ajouté aussi un morceau de beurre, que j’ai laissé fondre sur la cuisse.
Et j’ai inséré un peu de la farce des aromates avec le fenouil et la carotte. Tout ce manège a duré à peu près une quarantaine de minutes. J’ai allumé alors le four à 150°C, et lorsqu’il a atteint cette température, j’y ai mis la bête (et j’ai baissé à 120°).  
Pendant les deux heures de cuisson, je me suis attelé à la garniture. J’ai d’abord réhydraté dans un peu d’eau chaude des cèpes pendant un quart d’heure. Après quoi je les ai égouttés, et les ai cuisinés dans une poêle avec un peu d’huile, d’ail et quelques baies de genièvre, et une bonne rasade de gin (toujours à base de genièvre). Rassurez-vous, il évapore tout de suite.

Pas encore satisfait, j’ai aussi fait bouillir des pommes de terres. Ensuite je les ai écrasées à la fourchette, et je les ai mises dans une autre poêle avec des tranches de poitrine fumée et un oignon finement émincé. Avec un peu d’huile extra vierge comme assaisonnement, c’est un extra qui plaira à tout le monde. Croyez-moi.

Finalement j’ai sorti la cuisse du four, et j’ai enlevé ce qui restait de la poitrine fumée des entailles.

Avant de couper les gros morceaux en tranches plus fines, et de les servir bien chaudes à table.

Pour un repas digne d’un réveillon, j’ai déniché un vin de la région, tout à fait adapté. C’est un Teroldego. Le domaine Gran Masetto Endrizzi, en 2011 a été élu meilleur vin rouge européen au concours Mundus Vini, qui s’est tenu à Neustadt en Allemagne. L’évaluation s’est basée sur les critères de l’Union Internationale des Œnologues et de l’Organisation internationale de la vigne et du vin. Autant dire que avec ces lettres de créance, la fête est assurée !

Ingrédients pour 4 personnes :

1, 2 kg de cuisse de chevreuil (plus ou moins)

pour la marinade : 1 litre de vin rouge; poivre, thym, romarin, laurier, 5 baies de genièvre, 1 carotte, 1 fenouil.

pour la préparation : 1 gousse d’ail; 1 noix de beurre; 7-8 tranches fines de poitrine fumée (éventuellement 1 cube de bouillon); sel; huile extra vierge d’olive

pour la garniture : des cèpes déshydratés, 1 gousse d’ail; 1 demi-verre de Gin; 5 baies de genièvre; pommes de terre, un oignon, de la poitrine fumée; huile extra vierge d’olive

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