Parmi les souvenirs de marins que j’ai gardé de mon père, il y en a un qui m’a toujours frappé, concernant deux grands crustacés ‘découverts’ lors de ses voyages en Atlantique : le homard (Homarus americanus) et la langouste (Palinurus argus). Le premier, il l’avait goûté le long des côtes entre Terre Neuve et le Maine. L’autre beaucoup plus au sud, au Venezuela, où les locaux arrivaient jusqu’à bord avec des petits rafiots pour en vendre. Les deux, bien sûr, étaient toujours vivants, d’un goût exquis et d’une taille exceptionnelle. Je veux bien le croire. Le homard peut arriver à mesurer un mètre pour 12 kg, tandis que la langouste peut peser jusqu’à 8 kg pour 60 cm.
D’ailleurs ce n’étaient pas encore les années de la surpêche industrielle, et dans l’Atlantique comme dans la Méditerranée, il était relativement facile d’en trouver, à des prix accessibles. Exactement le contraire de ce qu’il m’est arrivé en Corse il y a huit ans : les langoustes étaient vendues au prix des oeufs de Fabergé (originaux).
Vous imaginerez alors ma surprise quand j’ai trouvé des queues de langouste des Caraïbes surgelées pas très chères (22 euros les deux). Je sais, normalement je suis contre ce genre d’achats, mais pour une fois j’ai cédé au sentimentalisme et au fait qu’elles provenaient d’animaux pêchés (pas élevés) et congelés sur le bateau même. J’ai opté donc pour un repas en style grand seigneur, mais à l’italienne.
Pour une raison de timing, j’ai commencé par la garniture, à savoir des champignons de Paris (coupés en petits morceaux) et du riz pilaf, cuit dans du bouillon (au four). J’ai mis d’abord à chauffer le four à 170°C, et j’ai fait bouillir de l’eau avec un cube de bouillon de viande. Ensuite, j’ai mis un peu de beurre dans une poêle sur le feu, et j’ai épluché un oignon, que j’ai aromatisé avec un clou de girofle. Après quoi j’ai ajouté l’oignon au beurre, pendant deux minutes. Deuxième étape : j’ai enlevé l’oignon, et j’ai mis à sa place le riz, pour le torréfier deux minutes durant.
Troisième étape, j’ai mis le riz dans un plat à four, avec deux feuilles de laurier et l’oignon. J’ai recouvert le tout avec le bouillon, avant de mettre le plat dans le four pour le faire cuire une vingtaine de minutes (le temps de cuisson dépend de votre matériel, le riz pour être prêt devra avoir absorbé entièrement l’eau).
Pendant la cuisson du riz, il faudra s’occuper des queues (que vous aurez fait décongeler depuis le matin). A l’aide de cisailles, ouvrez-les presque totalement dans le sens de la longueur (si vous voulez un conseil, des deux côtés : c’est mieux pour la cuisson, et je peux vous garantir qu’écarter les carapaces, ne fusse-ce que de quelques centimètres, demande beaucoup d’efforts et cause quelques coupures aux doigts. Mieux vaut le faire avant le repas…).
Faites frire de l’huile d’olives extra vierge dans une poêle, ajoutez-y les queues, retournez-les quelques secondes, et versez du champagne.
Ajoutez les petits champignons de Paris, salez et poivrez.
En attendant que le riz soit prêt, et que la sauce au champagne réduise de moitié, je me suis permis quelques coupes de champagne (ce sont les fêtes, que voulez-vous…).
Le moment venu, ajoutez de la crème fleurette, après quoi sortez le riz du four et mettez à sa place les queues (à 220°C pendant 10 minutes). Touche finale après avoir sorti le plat du four : ajoutez les ingrédients surprise, du persil haché et de la truffe noire râpée.
Servez chaud et accompagnez le plat de champagne, s’il en reste…
Sinon vous pourrez toujours opter pour un excellent San Michele Appiano, un vin Gewürztraminer du Trentino Alto Adige, idéal pour tout type de crustacés.
Ingrédients pour 4 personnes :
Pour le riz pilaf : 250 gr. de riz Carnaroli; 50 gr. de beurre, 1/2 litre de bouillon de viande, un oignon blanc, deux feuilles de laurier, un clou de girofle, sel et poivre.
4 queues de langouste; 50 gr. de truffe; 200 ml de champagne; 100 de champignons de Paris; 50 cl. de crème fleurette, huile, sel, poivre, persil haché.