Je sais, grenouilles, crapauds et tous les autres amphibiens n’ont pas vraiment la cote chez les humains. Ils sont moches, ils coassent de façon désagréable, et depuis l’Ancien Testament ils sont identifiés dans l’imaginaire collectif à des êtres maléfiques ! Deuxième plaie d’Egypte pour les pharaons, venimeux pour Pline l’Ancien, symboles de la luxure féminine pour les prêtres du Moyen Age… ils se sont pourtant frayé un chemin jusqu’à nous. A travers les rizières, qui ont obligé pendant des siècles les cultivateurs de riz à satisfaire leur faim avec ce qu’ils avaient sous la main, y compris la petite Pelophylax kl. esculentus, alias grenouille verte des fossés.
Le risotto con le rane est l’une des recettes traditionnelles de l’Italie septentrionale, des plaines fluviales du Piémont, de la Lombardie et de la Vénétie, jusqu’à l’Emilie-Romagne marécageuse. Ces terres, depuis toujours à forte vocation agricole, étaient jadis très pauvres, comme l’illustre le film Riso Amaro (1949), avec Silvana Mangano qui joue le rôle d’une mondina, ouvrière saisonnière dont la pénible tâche est de retirer les mauvaises herbes qui poussent dans les rizières. Aujourd’hui le travail est mécanisé, et même les grenouilles destinées à l’alimentation sont élevées dans des bassins (sauf si vous avez la chance de connaître un chasseur expérimenté…). Moi j’en ai mangé récemment de très bonnes, en entrée, dans le deep Quercy (entre le Lot et l’Aveyron), et j’ai décidé de tenter l’expérience, mais à l’italienne et à ma façon.
J’ai donc décongelé des grenouilles – ou plutôt des cuisses de grenouilles, puisque dans la grande distribution il n’y a que ça -, je les ai lavées et j’ai préparé les légumes pour le bouillon : une branche de céleri, des feuilles de laurier, un oignon, une carotte et des tomates cerises.
Une fois l’eau arrivée à ébullition, j’ai ajouté tous les ingrédients, y compris les cuisses de grenouille et laisser bouillir le tout pendant une demi-heure.
Une fois cette opération terminée, j’ai prélevé les cuisses du bouillon pour les désosser. Ensuite j’ai fait frire une gousse d’ail dans une poêle avec un peu de beurre et quelques gouttes d’huile. Lorsque l’ail est devenu doré, je l’ai enlevé et j’ai ajouté les cuisses. J’ai salé, poivré, parsemé de persil haché et laissé cuire à feu très doux.
Passons au risotto. J’ai fait dissoudre dans une casserole un morceau de beurre, j’ai ajouté un oignon et un carotte émincées finement, et ensuite le riz Carnaroli, que j’ai toasté un court moment avec un peu d’huile. Après quoi j’ai ajouté un verre de vin blanc. J’ai attendu qu’il évapore, et toujours tout en touillant j’ai ajouté, au fur et à mesure, des louches du bouillon.
Cette opération a duré 15 minutes; après quoi j’ai rajouté les cuisses, gardées au chaud. Encore deux minutes à touiller, et j’ai terminé en versant du fromage Parmigiano râpé (d’autres versions de la recette recommandent du Grana Padano, d’autres encore n’intègrent pas de tout de fromage…).
Et voilà le plat terminé. Les grenouilles ont une saveur très délicate, le bouillon est doux, le met très fin.
Pour l’accompagner j’ai choisi un vin blanc lombarde, un Oltrepò Pavese Riesling renano, un peu atypique. Il n’est pas du même cépage que le Riesling allemand, même s’il en partage le nom. Il s’apparente plutôt au Greco di Tufo de Campanie et aurait des origines dans la Champagne, ou en Hongrie. Bref, pour utiliser une maxime bien connue, mater semper certa, pater numquam. Mais rassurez-vous, il est excellent…
Ingrédients pour 4 personnes
300 gr. de riz
24 (cuisses de) grenouille
1 oignon, 1 carotte, 1 gousse d’ail, 1 branche de céleri, quelques tomates cerises et des feuilles de laurier, un peu de persil
1 verre de vin blanc
sel, poivre, beurre, huile extra vierge d’olive
Parmigiano Reggiano (ou Grana Padano)