Pollo alla Marengo (Poulet Marengo)

Capture d’écran 2020-02-03 à 11.17.58Autant vous prévenir tout de suite, les origines de cette recette – comme les ingrédients – sont un peu fumeuses. Si on prête foi à la légende, elle aurait été inventée – littéralement – sur le champ de bataille de Marengo, dans le Piémont, le soir du 14 juin 1800, par Dunant, le chef cuisinier (suisse) de Napoleone Buonaparte, alors premier consul. La journée avait été longue, l’intendance n’avait pas suivi le pas des soldats, et il n’y avait plus rien à se mettre sous la dent.

Dunant (de son vrai nom François Claude Guignet, ancien élève cuisinier de la Maison de Condé) organisa le dîner de son maître avec les moyens du bord : un poulet, des oeufs, des tomates, des cèpes, quelques écrevisses, du pain, du vin blanc (ou du cognac?), et puis de la farine, de l’ail, du persil, de l’huile d’olive, du sel, du poivre, et même du jus de citron. Le première consul, maigre et affamé, apprécia à sa juste valeur cette création, et dit à Dunant :  » Tu m’en serviras comme ça après chaque bataille « …Napo

Jolie histoire, n’est pas ? Sauf qu’en vérité, les choses ne se sont pas tout à fait passées comme cela. Dunant a pris son service auprès de Bonaparte, selon les recherches de l’historien Pierre Branda, seulement en août 1802 – soit deux ans après la bataille (Napoléon et ses hommes: La Maison de l’Empereur, 1804-1815. Paris, Fayard, 2011). Autre détail : les tomates, utilisées dans la cuisine de la Péninsule depuis un siècle, étaient considérées en France comme des plantes d’ornement et consommées seulement par les Marseillais.

On se persuada pourtant longtemps que le poulet Marengo était bien franchouillard. On lui chercha même des ancêtres dans la tradition provençale, on commença à cuisiner des variantes comme le veau à la sauce Marengo… Jusqu’à que l’écrivain Antoine Claude Pasquin, dit Valéry, dans son ouvrage L’Italie confortable du 1837, mit en doute l’origine française du plat (tout en restant patriote). La recette avait plutôt des nombreux points en commun avec le « poulet à la piémontaise », connu bien avant l’arrivée du Corse en Italie. Valéry

Superbe exemple culinaire de ce que l’historien François Furet appelait « le chauvinisme à la française » : sorte de nationalisme, mais qui opère en nom de l’Universel. Comment y résister ?

Voici pourquoi, me sentant proche de Dunant, j’ai moi aussi improvisé cette recette pour mes hôtes, en utilisant des gambas congelées à la place des écrevisses (il y en a des moins en moins, à cause de la pollution des rivières et de l’invasion de l’écrevisse américaine), et des cèpes en boîte (préférez les cèpes frais car ils tiennent mieux la cuisson). Il m’a fallu donc les égoutter pendant longtemps de leur huile de conserve.

J’ai commencé par couper en morceaux le poulet, avant de le saupoudrer de farine, passer à la moulinette les tomates pelées…Mar 2

Emincer le persil, couper finement l’ail…Mar 3

Pour finalement mettre les quarts de poulet dans une poêle avec de l’huile et de l’ail. Faites bien dorer la viande sur toutes ses faces, et ajoutez 100 ml de vin blanc sec. Baissez la flamme, attendez que le vin soit évaporé, ajoutez la sauce de tomates et laissez mijoter une vingtaine de minute avec le couvercle.salsa

Pendant ce temps, enlevez la tête des gambas (déjà décongelées); incisez le long du dos avec un couteau, et enlevez le filament noirâtre (les intestins) qui s’y trouve. Vers la fin des vingt minutes de cuisson du poulet, ajoutez le reste du vin dans une autre poêle, et attendez qu’il commence à bouillir. Une poignée de sel fin, et posez-y les gambas, avant de les ajouter (sans le vin) au reste dans l’autre poêle, avec les champignons et le poulet.gamberoni

Pressez vite un citron et versez-en le jus dans la poêle, avec le persil haché…Mar 5

Laissez encore cuire une vingtaine de minute, et occupez vous de frire les tranches de pain. Je ne sais pas pour quelle raison, mes hôtes ont associé cette pratique à l’Angleterre, et certainement pas à l’Italie. Même si à contrecoeur, je dois les décevoir. Le pain frit dans l’huile – et les Anglais utiliseraient à la limite le beurre, ou le saindoux – est l’un de moyens plus anciens de garder le pain (quand il est vieux), et de le rendre aussi très savoureux.Mar 7

J’ai enfin frit les oeufs – il vous faudra donc avoir au minimum trois poêles – , et je les ai distribués sur les tranches de pains. Après quoi j’ai servi le plat à table.Mar 8

Je vous préviens : l’associations des saveurs est étonnante. La recette d’ailleurs peut être interprétée de façons légèrement différentes. Mais soyez sans crainte, le palais s’y fait aisément.barbera Avec l’aide d’un bon vin, évidemment. Un Barbera d’Alba, un A.O.C. produit dans la province de Cuneo. En Piémont, cela va sans dire.

Ingrédients pour 4 personnes :
1 poulet
500 gr. de tomates pelées
4 écrevisses (ou 4 gambas); 4 cèpes; 4 oeufs; 4 tranches de pain
1/5 litre de vin blanc
1 gousse d’ail; 1 citron; 1 poignée de persil

huile extra vierge d’olive, sel, poivre

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