On me dit souvent que je ne suis pas du tout gourmand, raison pour laquelle je ne serais pas vraiment enclin à cuisiner des dolci. Et bien, rassurez- vous, il y a des douceurs pour lesquelles je craque comme tant d’autres, en particulier la panna cotta (littéralement de la « crème cuite »). Et comme tant d’autres, je croyais que la seule façon de la préparer était d’utiliser de la crème fleurette, de la vanille, du sucre, et de la gélatine de poisson (ou ichtyocolle). Jusqu’à que je ne m’intéresse de plus près à ce dernier ingrédient…
La gélatine de poisson est née en Russie, où on la produisait à partir de la vessie natatoire de l’esturgeon, traditionnellement celui de la Mer Caspienne. En Italie (en particulier dans le Piémont, région qui revendique l’origine de la panna cotta), on utilisait celle de la race européenne, qui encore au début du XXème siècle remontait les fleuves jusqu’à Turin. Le développement industriel, la pollution et la surpêche ont eu raison, à la longue, des poissons, désormais disparus ou en voie de l’extinction. Raison pour laquelle l’ichtyocolle utilisée de nos jours est plutôt à base de couenne de porc et d’os ou de cartilages de vache… Pas très ragoûtant tout cela. En me penchant alors sur les origines de la recette de la panna cotta, j’ai découvert qu’on pouvait se passer de gélatine en la remplaçant par des œufs.
Contrairement à ce qui est souvent colporté, les desserts à base d’oeufs, de miel (il n’y avait pas de sucre dans l’Antiquité) et de lait, cuits au four, étaient déjà consommés dans la Rome des Césars sous le nom de Tyropatina (Apicius, De re coquinaria, VII). La tradition ne se perdit pas dans l’Europe du Moyen Age, de sorte que pendant l’humanisme, elle fut reprise dans les traités de savants et gastronomes tels que Bartolomeo Sacchi, dit le Platina, auteur du célèbre De Honesta Voluptate. Depuis, ce genre de desserts a été réélaboré de façon différente selon les latitudes : il existe le pudding anglais, le flan français et la crème caramel ou flan portugais, qui est peut-être le plus proche de la tradition antique, et le budino italien, auquel la panna cotta du Piémont appartient. Revenons donc sur cette recette, à base de lait frais, de crème fleurette, de sucre, d’œufs frais (à la place de la gélatine), de vanille et de caramel.
Faites chauffer dans une casserole le lait, et entre temps égoussez la vanille (par pitié, n’utilisez pas de sachet de vanilline, bizarre mélange chimique)…
Touillez à l’aide d’un fouet, et ajoutez une pincée de sel, la crème fleurette, le sucre et la vanille. Portez à ébullition toujours en touillant pour dissoudre le sucre. Eteignez immédiatement et laissez refroidir.
Occupez-vous maintenant du caramel. Faites chauffer le sucre dans une casserole, et ajoutez doucement de l’eau (la moitié de la quantité requise), en touillant de temps en temps à l’aide d’une cuillère en acier.
Laissez bouillir à feu moyen, et ajoutez un petit bâton de vanille. Pour obtenir une sauce caramel de couleur brune, plus savoureuse, il vous faudra garder une température d’environ 170° (si vous avez un thermomètre alimentaire ce sera plus facile…). Une fois que vous aurez la couleur choisie, ajoutez encore de l’eau chaude, et éteignez la flamme.
Retournons à la panna cotta, désormais refroidie. Retirez la vanille, versez-y deux blancs d’œuf, et touillez le tout.
Préparez des ramequins pouvant aller au four, versez-y une cuillère de caramel au fond, et à l’aide d’un entonnoir, la préparation de lait, œufs et crème.
Remplissez le plat d’eau jusqu’à la moitié de la hauteur des moules, et laissez cuire au four pendant environ 60 minutes à 150°C.
J’ai ajouté du caramel sur la surface, ce qui explique l’aspect bruni de la panna cotta à sa sortie du four. Laissez refroidir à l’air libre, puis au frigo pendant au moins deux heures.
Retournez enfin les moules dans une assiette. Je sais, j’aurais sûrement perdu à Master Chef car mon dressage n’est pas très réussi, mais rassurez vous, le goût était bien à la hauteur…
A la place du caramel, vous pouvez utiliser un coulis de fraises ou d’autres fruits rouges. Pour le vin, un Spumante Rosé Alta Langa (A.O.C.G.), produit d’un cépage Pinot Noir ou Chardonnay dans le Piémont, donnera la juste dose de pétillant à ce plat de dessert.
Ingrédients pour 4 personnes :
Panna Cotta =
Crème Fleurette 300 ml
lait frais 125 ml
sucre 50 gr
2 blancs d’oeuf
1 bâton de vanille; 1 pincée de sel
Caramel =
sucre 300 gr.
eau 200 ml
vanille 1 bâton