La recette que je vous propose vient de Sardaigne. Et plus particulièrement de la Gallura, sa pointe Nord, située à seulement 11 km du golfe de Bonifacio, âpre et rocailleuse et envahie en été par des hordes de vacanciers. Les Sardes y sont habitués, c’est depuis l’Antiquité que les Continentaux essaient de leur imposer leur style de vie. Mais la nature ici est très dure et il faut être coriace pour y faire souche. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les gens n’avaient pas grande chose à manger, en dehors du pain et du fromage. Les plus riches élevaient des vaches, les pauvres des chèvres; les bergers avec leurs troupeaux de moutons seraient descendus des montagnes quelque cent ans après.
La recette de la « suppa cuata gallurese » serait née à la même période. Son nom est indicatif : c’est littéralement une soupe « cachée », en sarde, parce que la première couche de fromage fondu cache du pain, mouillé (si on était chanceux) avec du bouillon de viande (de bœuf ou de poule), parfumé au fenouil sauvage, à la cannelle, etc.
Ma version met au goût du jour le plat original, présent en multiples occasions, et notamment lors des repas de noces. Il y a donc d’abord du fromage – j’ai choisi une provola sarde -, du pain de campagne sec (ou presque), du pecorino râpé, des tomates séchées, et du poivre, de la menthe, du persil et du basilic. Et pour faire un bouillon goûteux, place donc au bœuf, au poulet et à l’agneau, aromatisés avec du céleri (le fenouil sauvage à Paris c’est un peu comme le Graal…), du romarin, du laurier, du basilic, de l’oignon et de la carotte, plus de la pulpe de tomates.
Mettez donc à chauffer l’eau (1,5 litre) dans un faitout, et versez-y d’abord les légumes et les aromates, ensuite la viande et la tomate. Laissez mijoter au moins trois quarts d’heure.
Pendant ce temps, râpez le pecorino, et hachez finement les tomates, la menthe, le persil et le basilic. Mélangez le tout avec du poivre.
A présent, coupez d’abord le morceau de fromage en fines lamelles…
…Pour enchaîner ensuite avec le pain (en tranches assez minces, d’environ 1 cm d’épaisseur).
Placez les tranches de pain dans un plat à four (j’ai rajouté une feuille de papier sulfurisé et un peu d’huile extra vierge pour qu’elles ne collent pas), et parsemez-les avec le hachis de pecorino & co.
Posez-y la première couche de fromage…
…et commencez à ajouter le bouillon, une louche à la fois. Ni trop ni trop peu. Le pain doit être bien mouillé mais il ne doit pas nager non plus dans le bouillon.
Continuez à alterner le couches jusqu’au bord du plat, avec encore du bouillon. Allumez le four à 180°C, et enfournez le tout. Normalement avec un four électrique, une demie heure est suffisante, le dessus doit être bien gratiné. L’important est que l’ensemble soit bien homogène, et que le fromage fondu cache le reste…
Le résultat le voilà. Je sais, je serais éliminé au Master Chef de Sardaigne, mais c’est bon quand même.
Pour accompagner ce plat un peu fort, il faut un vin rouge assez puissant. Le Kre’u A.O.C. bio, produit avec le cépage Monica rosso, typique de province de Cagliari, Nuoro, Oristano et Sassari, est parfaitement adapté.
Ingrédients pour 4 personnes :
pour le bouillon : 1,5 litre d’eau, 1 morceau de poulet (blanc), 1 morceau de boeuf (paleron), 1 morceau d’agneau (carré); 1 carotte, 1 céleri, 1 oignon, 1 verre de pulpe de tomate, laurier, romarin, sel
pour la suppa : 400 gr. de pain (sec ou presque); 600 gr. de provola sarde (voire caciocavallo); 100 gr. de pecorino sarde râpé, 2 tomates séchées; basilic, persil, menthe, poivre