Chaque fois que je goûte des châtaignes, j’ai un pincement de nostalgie. J’ai le souvenir de ma mère en train de les cuisinier sur la gazinière à l’aide d’une poêle trouée. C’était un événement rare, pour nous, gens des plaines côtières des Pouilles. Il fallait attendre qu’un vendeur les amène des bois de Calabre, ou de Basilicate. En tout cas, en bon écolier, je savais que l’automne s’était bien installé : le châtaignier, l’italico albero del pane (l’italien arbre à pain), pour utiliser les mots de Giovanni Pascoli, avait commencé à donner ses fruits. Et à vrai dire le châtaignier a bien mérité l’hommage du grand poète, puisqu’il a sauvé plusieurs générations de paysans de la famine, dans toute l’Italie…
Du point de vue nutritionnel, en effet, la châtaigne a des similitudes avec les riz et le froment. Son apport calorique est des 200 kcal pour 100 gr., il apporte une bonne quantité de glucides et protéines, sels minéraux et vitamines. De nos jours, on compte en Italie une douzaine de variétés de châtaignes sous « Indication géographique protégée », du Piémont à la Campanie, de la Vénétie au Latium. Pour en augmenter les rendements, on a – comme le reste de l’Europe – amélioré les châtaigniers par sélection et/ou hybridation, en donnant ainsi vie aux marronniers (marroni, en italien), qui génèrent des châtaignes dont la bogue ne comporte qu’une seule amande.
Le châtaigner se serait développé après l’ère glaciale, en Asie, comme en Europe et en Amérique. Ses origines restent floues. En tout cas, il pousse sous un climat tempéré et aime les étés pluvieux. Quand les conditions sont optimales, comme en Vallée d’Aoste, il peut vivre plusieurs siècles. Á l’époque romaine, on en trouvait non seulement dans le nord de la péninsule, mais aussi dans le Sud profond. Pline l’Ancien (Nat. Hist., Botanique, XV, 93-94); cite une variété de châtaignes très prisées, qui venaient des alentours de Tarente, dans les Pouilles. Pas vraiment une région humide, aujourd’hui. La recette que j’ai sélectionnée aujourd’hui vient de l’arc alpin. Et elle associe un ingrédient qui est caractéristique de cette région, aux confins avec l’Autriche, le speck du Trentino-Alto Adige (jambon fumé en français). Je sais, on est en Italie, mais on parle allemand. Que voulez vous; c’est le poids de l’histoire…
C’est un produit traditionnel depuis le Moyen Age, qui permettait autrefois aux gens des montagnes de conserver la seule viande (de porc)qu’ils arrivaient à se mettre sous la dent. C’est aussi un produit au croisement de deux mondes : le méditerranéen (la viande est soumise à l’affinage -minimum 22 semaines-; et au salage – 5%-), et nord-européen (la viande est aussi fumée).
Pour se croire en pleine nature, entre une randonnée et une descente à ski, parlons de ce risotto automnal…en commençant par les châtaignes. Elles devront être incises d’un bord à l’autre de la lunule (partie claire de l’écorce), en passant par la pointe. Après quoi, il faudra les faire bouillir dans de l’eau aromatisée avec de feuilles de laurier, pendant au moins une trentaine de minutes. En ajoutant aussi une cuillère à soupe d’huile d’olive, pour adoucir l’écorce.
Nettoyez ensuite les châtaignes sous l’eau courante, pour les débarrasser de l’écorce et de la petite peau. Bien entendu, cela fait mal aux mains…
…Mais vos efforts seront récompensés.
En ce qui concerne le speck, il faut en découper une moitié en petits morceaux, et garder l’autre pour plus tard.
Ensuite, il faut émincer encore des feuilles de laurier (et si on le souhaite, aussi, du romarin), avec un petit oignon (ou une échalote) et une gousse d’ail.
Avant de vous attaquer à la cuisson du riz, faites sauter dans l’huile extra vierge d’olive, les tranches de speck, jusqu’à ce qu’elles soient croquantes. Mettez-les de côté.
Mélangez le tout avec les trois quarts des châtaignes, hachées grossièrement.
Faites chauffer le hachis dans une casserole, avec un peu d’huile d’olive, pendant quelques minutes. Ensuite, ajoutez le riz, faites-le torréfier deux minutes, avant d’ajouter un verre de vin blanc sec.
Une fois le vin évaporé, versez du bouillon végétal, chaud, petit à petit avec une louche. En n’oubliant pas le reste des châtaignes encore entières, un peu de sel et poivre, et du thym. Ne cessez pas de touiller avec une cuillère en bois.
Vers la fin de la cuisson du riz, ajoutez le reste du speck, coupé en morceaux.
Et une fois la cuisson terminée, pour mieux lier le tout, faites fondre un morceau de beurre (bio).
Et du fromage Parmigiano râpé. Attendez quelques instants…
Un bon vin blanc accompagne nécessairement ce plat… Je propose un excellent pinot Bianco, toujours de la région du Trentino Alto Adige, le Vorberg. Je sais, c’est en allemand…mais il est remarquable. De plus, il est vieilli dans de grands tonneaux en chêne, plutôt que dans des barriques. Ce qui rend sa maturation plus lente et lui fait gagner du corps.
Ingrédients pour 4 personnes:
400 gr. de riz Carnaroli
400 gr. de châtaignes (ou marrons)
80 gr. de speck
1 verre de vin blanc sec
1 oignon, 1 gousse d’ail
1 litre de bouillon végétal
1 noix de beurre
sel, poivre, laurier, romarin, thym, Parmesan