Morsello catanzarese (Morsello à la façon de Catanzaro)

lino

Triperie. À Paris, c’est presque devenu un gros mot. Dans la capitale française, on peut consommer des mets exotiques en tout genre, mais des abats de veau, point. « Je devrais les commander…avec cette vague de chaleur… il n’y a pas beaucoup des clients… », « Ah non, monsieur. Nous, on n’est pas des tripiers !… j’en ai d’agneau, rien d’autre. » Voici une courte liste des revers que j’ai essuyés auprès des bouchers et des charcutiers de mon quartier, où il n’y a plus aucune triperie. Et il m’a fallu traverser toute la ville pour dégoter le Graal. Enfin, presque.collare

A la place des tripes, j’ai trouvé des fraises de veau, c’est-à-dire la membrane plissée reliant les anses de l’intestin grêle de l’animal. On la nomme ainsi parce qu’elle rappelle la collerette encombrante dont les nobles et les bourgeois se paraient au XVIe-XVIIe siècle. Elle-même baptisée de la sorte parce qu’elle faisait penser aux alvéoles d’une plante des fraises. (Ahhh, la France, terre de poètes…). J’ai pu acheter une tranche de coeur et une de foie. Quant à la rate, elle est restée un vœu pieux.

La crise de la vache folle en 2000 a mis à mal le marché, et bien que les tripes ont été ré-autorisées depuis, beaucoup de tripiers ont fermé boutique. Et puis, et c’est là l’essentiel, les viscères, pourtant bon marché et riches en protéines, en sels minéraux et en oligo-éléments, font grimacer la plupart des jeunes générations. Pour eux, la viande c’est seulement le hamburger ou l’entrecôte, le reste est trop dégoûtant.

Mais que les amateurs d’abats se rassurent : la tradition perdure… en Italie, bien sûr.
Aniello

Du Nord au Sud, on cuisine les abats à toutes les sauces, dans les grands restaurants et dans les bouis-bouis. Les tripes sont même au coeur de la street-food (nourriture de rue), en Campanie, en Sicile, ou en Calabre.

Carta

La Calabre est surtout connue pour ses montagnes, son eau cristalline et la ‘ndrangheta, la pègre locale (qui s’est internationalisée). Elle n’a pas encore exporté sa cuisine. J’ai déjà réalisé des recettes à base de poisson (ici et ). Je m’aventure dans les terres avec le morsello à la façon de Catanzaro, ville située à l’est de la région, sur le golfe de Squillace. Dans l’arrière-pays, s’étendent des serre, mot hérité de l’espagnol sierras qui désigne des plateaux, caractérisées par de grandes étendues de forêts. Les vaches podoliche y paissent librement, elles sont très prisées pour leur viande (et leurs abats) et leur lait.Capture d’écran 2015-11-30 à 14.34.07

Dans les villages, les ouvriers et les travailleurs agricoles y mangent un drôle d’encas à la pause de 10 heures : le morsello, dérivé lui aussi d’un terme hispanique, almuerzo, littéralement, un morso, une bouchée. C’est un petit sandwich fait avec un pain très léger, la pitta, garni de viscères, de tomates, de poivrons et de piments rouges très, très piquants.Serre

Pour commencer, occupons-nous des poivrons. J’ai acheté des poivrons (italiens) en bocal, faute d’en avoir des frais. Je les ai fait frire avec un peu d’huile extra vierge d’olive et une gousse d’ail, pour les rendre plus tendres…

Mors1

Ensuite, je les ai passés au moulin à légumes. Mors 5

Et finalement, je les ai mélangés avec du paprika en poudre et un petit piment rouge séché pour obtenir une crème.mors 6

Passons à la pitta. Son étymologie et sa forme font penser à la pita de la tradition grecque byzantine et du Proche Orient (la pizza napolitaine et la focaccia de Bari ne sont pas loin). Pour la réaliser, il faut dissoudre un morceau de levure de bière dans de l’eau tiède, et la mélanger – à feu éteint – avec une cuillère à café de sucre. Mors 2

Entre temps, dans un bol il faut mélanger de la farine (bio) de blé, n.45 (il faudrait la mélanger avec de la semoule de blé dur, moulue deux fois), un morceau de saindoux, et une pincée de sel. Après quoi, on ajoute l’eau et la levure, un peu à la fois. En pétrissant à la main (si vous n’avez pas de robot pétrisseur), jusqu’à obtenir…Mors 3

…une boule. Que vous ferez reposer dans le four éteint, recouverte d’un film alimentaire, au moins quatre heures. Mors 4

Venons-en maintenant aux abats. Il faut faire bouillir les tripes (ou les fraises de veau) pendant une vingtaine de minutes. Le reste des ingrédients – coeur, foie, (rate), et une fine tranche de veau – doit être coupé en petits morceaux. Mors 8

Le moment venu, égouttez les tripes. Emincez un oignon, faites dissoudre un morceau de saindoux dans une casserole, et ajoutez-y l’oignon. Mors 9

Quand l’oignon est bien doré, versez les tripes, coupées elles aussi en morceaux pas trop gros…Mors 10

Puis, les poivrons…Mors 11

…Une boîte de tomates pelées… Mors 12

…les autres abats et la viande…Mors 13

…et pour finir, un litre de bouillon (de boeuf). Mors 14

Pour donner du parfum à l’ensemble, ajoutez quelques feuilles de laurier, du thym, du sel, du poivre, et laissez cuire pendant plusieurs heures, au moins trois. Je sais, c’est long, mais c’est pour la bonne cause.
Mors 15

Quant à la pitta, il faut l’étaler à l’aide d’un rouleau à pâtisserie, mais pas trop fine.
Mors 16

Ensuite, il faut la déposer dans un plat à four, sur du papier sulfurisé, huilé. Créez un trou ronde au centre et enfournez à 200°C…
Mors 17

Faites cuire une trentaine de minutes (j’ai peut-être un peu abusé sur la cuisson).
Mors 18

Quand le morsello sera enfin prêt, coupez la pitta en plusieurs tranches. Et chacune d’entre elles, en deux morceaux. Ensuite, posez-y la quantité désirée de viande et d’abats, et régalez-vous. Sans fourchette, bien entendu…
Mors 19

Un bon vin rouge calabrais (mais qui ne tache pas) pour « anoblir » ce plat de pauvre?Ciro'Le voici. Un AOC, le Cirò Rosso Classico Superiore Aris, à base de Gaglioppo, un cépage de raisin noir typique de Cirò Marina.

Ingrédients pour 4 personnes :

Morsello = 300 gr. de tripes de veau blanchies et cuites, (ou de fraises); 100 gr. de foie; 100 gr. de coeur; 100 gr. de rate (si vous la trouvez); 1 tranche fine de rumsteack.

1 bocal de poivrons ; 1 boîte de tomates pelées, 1 piment rouge, 1 oignon, 30 gr. de saindoux; quelques feuilles de laurier, thym, sel, poivre; 1 litre de bouillon de boeuf.

Pour la pitta = 500 gr. de farine 45 (ou 250 gr. de 45, et 250 gr. de semoule de blé dur, moulue deux fois); 30 gr. de saindoux: 20 gr. de levure de bière, 250 ml d’eau; 1 cuillère de sucre, 1 pincée de sel

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s