Le 6 décembre, à Bari, dans les Pouilles, on célèbre le saint patron de la ville, Nicolas, dans la cathédrale qui porte son nom. En apparence, c’est une fête patronale parmi tant d’autres en Italie (aux yeux d’un jacobin français). Mais, en réalité, ce père de l’Eglise est, malgré ses lettres patentes de sainteté, bien plus que cela. D’abord parce qu’il est à l’origine de la figure du Père Noël et ensuite parce qu’en son honneur, Bari a inventé une street food toute particulière.
Deux mots sur l’origine de cette exception ‘barese‘… Nicolas, de son vivant, fut évêque de Myre (dans l’actuelle Turquie), au IV siècle de notre ère. Un vrai tough guy, qui dans un moment de rage, en plein concile de Nicée (İznik), devant l’empereur Constantin, gifla Arius, le prêtre à l’origine de l’hérésie que porte son nom… Mais Nicolas fut aussi célèbre pour sa bonté envers les enfants et les pucelles dépourvues de biens.
D’où sa popularité précoce auprès de l’Eglise d’Orient, qui célébrait la date de sa mort le 6 décembre 343. Au Moyen Age, cette popularité favorisa un commerce pas tout à fait chrétien, celui des reliques. Et San Nicolas, qui avait la cote auprès des marins, fut vite repéré par deux communautés très actives dans le secteur du commerce (et du piratage) : Bari et Venise.
Et oui, il fut un temps où la petite ville du Sud rivalisait avec la reine des mers… Je vous passe les détails, mais ce furent bien les habitants de Bari qui gagnèrent la course sous le nez des Turcs et des Vénitiens et qui ramenèrent les restes du pauvre Nicolas sur les plages des Pouilles, le 9 mai 1087. Et c’est bien parce que les seigneurs de Bari étaient des Normands, que le culte du saint ne tarda pas à arriver en terre germanique, française, et anglaise, où il prit le nom de Santa Claus…
Pendant que le mythe du bonhomme trapu gagnait le nord de l’Europe, puis toute la planète, le peuple de Bari continua de fêter son Nicolas, à sa façon. Les jeunes (et vieilles) filles demandent toujours l’intervention du saint pour leurs projets de vie, tandis que les petits trouvent des sucreries dans une chaussette accrochée à la fenêtre le 6 décembre. En décembre, une marche nocturne aux flambeaux traverse la ville, et en mai la statue du saint est accompagnée jusque dans la mer par le cortège des fidèles.
Voilà pour le côté spirituel. Côté corporel… on commence le matin avec un petit déjeuner à base de chocolat chaud et de biscuits “rafaiòle”(savoyards); pour enchaîner ensuite avec de la focaccia, et des mets très simples préparés dans les ruelles de la vielle ville, quoi que pas tout à fait… légers. Il s’agit, en substance, de frire dans l’huile d’olive (pas nécessairement extra vierge) des petites boules de farine de blé mélangées avec de la levure de bière (autrement connues comme popizze en patois local), et des « éclats » de farine de mais (les sgagliozze). Je sais, c’est imprononçable, en français. Mais c’est bon. Raison pour laquelle je vais me mettre aux fourneaux.
D’abord les popizze. Pour les obtenir il faut dissoudre dans de l’eau tiède un morceau de levure de bière. Et tamiser de la farine de blé (T45, bio, possiblement).
Ensuite il faut mettre la farine dans un bol, ajouter une cuillère à café de sucre, en plus d’une pincée de sel fin. Et mélanger le tout, en ajoutant l’eau de tout à l’heure, un peu à la fois.
Le résultat, après avoir pétri à la main pendant un bon moment, devra être très fluide, et un peu aqueux. Couvrez le tout avec un chiffon humide, et laissez reposer deux heures minimum, à l’abri.
Passons aux sgagliozze. Elles nécessitent de la farine de maïs. Et détrompez-vous. On ne l’utilise pas seulement dans le nord de la péninsule. A Bari, on fait un véritable polenta. Mais personnellement, je devais aller vite. J’ai donc opté pour un produit instantané. Ainsi, il m’a suffi de verser la farine dans de l’eau bouillante, et de touiller cinq minutes avec une cuillère en bois pour éviter que cela ne colle au fond de la casserole. J’ai même ajouté quelques gouttes d’huile pour la rendre plus moelleuse.
J’ai ensuite étalé l’ensemble sur un plat à four, recouvert de papier sulfurisé. Et je l’ai laissé refroidir.
Ensuite, j’ai coupé la polenta en petits carrés plus au moins réguliers.
Le moment venu, j’ai fait réchauffer de l’huile dans une casserole, et j’ai commencé à frire. D’abord les popizze. Il suffit de couper un morceau de pâte avec les doigts et, à l’aide d’une cuillère huilée, le déposer dans l’huile très chaude. Il faut retourner ces morceaux jusqu’à ce qu’ils soient bien dorés. Les poser sur du sopalin, couche après couche, avec quelques pincées de sel.
Même manip pour les sgagliozze : il faut veiller à ne pas trop les abîmer, au moment de les retourner.
Le résultat, le voici. Approuvé par un vieux copain de Bari, très gourmand. J’espère que cela vous plaira à vous aussi.
Pour accompagner ces gourmandises, mieux vaut éviter le vin et préférer la bière (plus légère, dit-on).
La bière San Nicola de la brasserie Barbarossa, vendue en plein coeur de Bari Vecchia, saura satisfaire les assoiffés en tous genres…
Ingrédients pour 4 personnes :
Popizze =
400 g de farine de blé T45; la moitié d’un cube de levure de bière; 500 g d’eau; 2 cuillères d’huile extra vierge bio; une cuillère à café de sucre; une pincée de sel
Sgagliozze =
1 sachet de polenta instantanée; 1 litre d’eau; deux cuillères d’huile extra vierge
Huile d’olive pour frire l’ensemble