Capri…c’est l’empereur Tibère, André Gide, Maxime Gorki, Curzio Malaparte, Pablo Picasso et Hervé Vilard. C’est aussi une île des pauvres pêcheurs, qui a été colonisée par des intellectuels fortunés et des stars du show-biz, et enfin par des hordes de touristes, anxieux d’assoiffer leurs idées de vacances tout compris.
Mais il y reste quelque chose d’authentique : la cuisine. Capri propose des recettes ‘napolitaines’, mais aussi une salade mondialement connue depuis les années 20, la caprese, inventée – dit-on – par Filippo Marinetti et composée de tomates, mozzarelle, basilic et basta, plus un dessert divin, la tarte au chocolat fondant, dont il est question ici de démêler le secret. Les rumeurs sur ses origines sont nombreuses, et puisqu’on est en Campanie, elles sont souvent dignes d’une comédie. Prêts ?
La première voit l’implication d’Al Capone, rien que ça ! Trois des ses hommes, envoyés à Capri pour faire fabriquer des guêtres sur mesure, auraient demandé au pâtissier Carmine da Fiore un gâteau aux amandes. Le bonhomme, pris de panique, oublia de mettre la farine, mais les mobsters italo-américains trouvèrent le mets delizioso, « capisc’, Paisà? »
La deuxième vulgata parle d’une ‘princesse autrichienne’, qui aurait demandé à son époux napolitain une sachertorte pour tuer son mal du pays. Les cuisiniers italiens, ne sachant pas un piètre mot d’allemand, auraient façonné une tarte presque germanique, mais sans farine, miel et confiture d’abricots. La chose est plausible, si on pense que la sacher fut inventée à Vienne en 1832, et que la dernière reine des Deux Sicile fut, de 1859 à 1860, une Autrichienne, Marie-Sophie de Bavière…
D’ailleurs le chocolat d’Amérique centrale était présent sur les tables européennes – et italiennes – depuis la fin du XVIe siècle, grâce à Cristoforo Colombo et aux Espagnols. Disons alors qu’on ne peut pas dater la recette d’avant l’époque baroque. Pour le reste, on se fiera aux ragots de la Piazzetta, la place principale d’Anacapri, le plus gros bourg de l’île de Capri…
Pour l’heure, il me tarde de passer aux fourneaux. Présentons donc les invités : du chocolat fondant (minimum 50% de cacao), du beurre, des œufs, du sucre (raffiné, ou de canne, si vous préférez), et du sucre glace. Le tout, possiblement bio. J’ai aussi ajouté un peu de limoncello, la liqueur au citron, gloire de toute la côte Amalfitaine.
Première étape : faire fondre doucement au bain marie le beurre et le chocolat dans une casserole.
Entre temps, séparer le blanc des jaunes d’œufs, en les gardant dans deux bols distincts.
Quant aux amandes…dans certaines recettes, on vous conseille de les torréfier entières au four, avant de les écraser et de les passer au mixeur. J’avoue ma lassitude. J’ai utilisé celles déjà effilées, pour aller plus vite. Essayez de ne pas acheter des amandes disponibles dans la grande distribution, mais plutôt auprès de petits producteurs locaux (en Italie il existe cinq sortes d’amandes classées, protégées, et trois d’entre elles viennent des Pouilles, les deux autres étant siciliennes).
Une fois que le beurre et le chocolat auront fondu, laissez reposer le tout.
Et fouettez les blancs d’oeufs.
Il faudra les monter en neige avec une pincée de sel, avant de les mettre au frais dans le réfrigérateur.
Même opération pour les jaunes, à fouetter avec le sucre.
Le résultat devra être jaunâtre et mousseux.
Préparez le limoncello.
Préparez aussi un plat à four et découpez du papier sulfurisé de la dimension du plat.
Avant de mettre le papier, passez du beurre avec un pinceau sur le fond et les parois du plat pour mieux faire glisser le tout.
Commençons donc à mélanger les ingrédients dans un bol. En premier, la mousse des jaunes d’oeufs, puis le chocolat/beurre. Touillez du bas vers le haut avec une cuillère en bois.
Ajoutez les amandes, en gardant une petite partie pour la fin. Touillez toujours.
Puis le limoncello…
…et les blancs montés en neige.
Pour finir, mettez quelques amandes sur le fond du plat à four, avant d’y couler le mélange qui est dans le bol.
Encore quelques morceau d’amande sur la surface, qu’on aura eu cure de aplatir à l’aide d’une spatule.
Mettez au four (préchauffé à 180°), pendant trois quart d’heure. La tarte ne doit pas être trop cuite. Une fois la cuisson terminée, sortez le plat, et saupoudrez la surface avec du sucre glace.
Vous verrez, chanter « Capri, c’est fini » avec mélancolie sera tout à fait naturel…
Le vin de paille est tout à fait adapté à ce genre de plat, et en particulier le Zingarella; un blanc produit entre la Campanie et les Pouilles, très riche en bouche et plein de senteurs des fruits secs.
Ingrédients pour 4 personnes :
100 gr. de chocolat fondant
120 gr. de farine d’amandes (ou amande effilées)
80 gr. de sucre; 80 gr. de beurre
trois œufs
30 gr. de limoncello
une pincée de sel
sucre glace