Le début d’été, en France, il pleut souvent, très souvent. Pour quelqu’un qui a grandi au bord de la mer, sous le soleil, cette éternelle grisaille pluvieuse est presque une malédiction divine. Alors il ne reste qu’une chose à faire : s’échapper mentalement dans l’un des lieux refuge pour tous les amateur du beau temps : la Sicile ! Fameuse d’ailleurs non seulement pour le climat, mais aussi pour ses sucreries. L’une d’entre elles a attiré mon attention.
Il s’agit des petits gâteaux connus sous le nom de « minnuzzi ri sant’Àjita« , les petits seins de Sainte Agathe, la patronne de Catane (l’AUTRE grande capitale gastronomique de l’île, avec Palerme). Sortes des petites hémisphères à base de ricotta, de fruits confits et d’un glaçage au sucre et aux oeufs, appelées aussi cassate (du latin caseum, fromage). On les prépare entre le 3 et le 5 février lors des la fête en l’honneur de la vierge Agathe, martyre chrétienne du IIIème siècle après J.C., à la quelle le perfide proconsul Quintien aurait fait arracher les seins à l’aide de tenailles pour la faire abjurer…mais vous vous en doutez, en Italie les origines païennes des mythes chrétiens ne sont jamais loin.
Bien avant Courbet et ses cadres ‘révolutionnaires’, on savait déjà qu’à l’origine de tout il y avait une femme…enfin, une déesse. Tellement puissante qu’elle pouvait subjuguer hommes et animaux avec ses seins nues, ou dispenser son lait divin pour favoriser la fertilité de la nature. Et on lui prêta maints noms, de l’égyptienne Isis à la crétoise Dittinna, de la phrygienne Cybèle à la chypriote Venus, de la romaine Junon à la grecque Déméter…
Mais pour mieux cerner notre sujet de conversation, il nous faut l’aide d’Apulée de Madauros, un Romain d’Afrique qui vécut au IIème siècle de notre ère. Dans son oeuvre licencieuse Les Métamorphoses, autrement connu comme L’Âne d’or (XI, 10), ce philosophe platonicien, qui était aussi un homme doté d’humour (chose très rare pour un intellectuel), parle du cortège en l’honneur de la déesse Isis, en disant que l’un des prêtres « gerebat et aureum uasculum in modum papillae rutundatum, de quo lacte libabat » : portait du lait dans un petit vase d’or arrondi en forme de mamelle, et il en faisait des libations…
Bien évidemment la Catane d’aujourd’hui, très catholique, ne pouvait pas permettre des comportements douteux en l’honneur d’une vierge martyre…sauf dans la pâtisserie. Parce qu’il faut le dire, quand on touche aux gâteaux, en Sicile, on se perd dans une débauche de sens digne de la Rome antique ! Et je vais vous le prouver.
Il faut commencer par mélanger dans un bol la farine 45 (tamisée) avec du beurre en pommade, à l’aide d’un fouet électrique.
Après quoi, il faut ajouter des jaunes d’oeuf (en gardant de côté les blancs)…
Le sucre glace (tamisé lui aussi)…
…et les grains d’une gousse de vanille…
…pour ensuite pétrir le tout à la main, et former un pain qu’il faudra faire reposer au réfrigérateur au moins une heure, à l’intérieur d’un film alimentaire (ou du papier aluminum).
On aura ainsi le temps de préparer la farce. D’abord, on coupe en petits morceaux l’écorce d’une orange confite.
On réduit en écailles du chocolat fondant…
…encore un peu de sucre glace tamisé…
…Et on terminera en beauté avec la ricotta (de brebis), passée au tamis à l’aide d’une spatule…
Et on ajoute l’écorce râpée d’un citron !
Sortons maintenant le pain de pâte du réfrigérateur, pour l’étaler à l’aide d’un rouleau à pâtisserie. C’est le moment de sortir le grand jeu. Il faut remplir des moules en silicone (en forme de petits bols) avec un morceau de pâte, qu’on aura eu le soin de couper avec un cercle en métal (on les trouve dans les magasins de cuisine).
Chaque moule devra être rempli avec la farce déjà prête. Le reste de la pâte, étalée à nouveau, servira à créer les fonds nécessaires pour sceller les ‘seins’. Faites les cuire au four à 180°C pendant 15 minutes. Attention : ne les sortez pas des moules avant qu’ils ne soient pas entièrement refroidis. Mettez-les à côté d’une grille, posée sur un ou deux bols. Cette installation vous aidera pour la suite.
Montez à présent les blancs d’oeufs. A moitié de l’opération, ajoutez le sucre glace (tamisé), une cuillère à la fois.
Et terminez avec le jus d’un citron pressé. Souvenez-vous : le glaçage ne devra pas être trop dur.
La raison? La voilà. Il faudra le faire couler sur les minni, à l’aide d’une cuillère, et le surmonter d’une cerise confite en guise de téton…
Vous pourrez déguster les délices de Saint’Agathe quand le glaçage est encore mou, ou le laisser sécher complètement, recouvert d’un film alimentaire, à l’intérieur du réfrigérateur.
Bien sûr, pour mieux songer aux déesses de l’antiquité il faut un vin adéquat.
Je le dis souvent, en Sicile, il n’y a que l’embarras du choix. J’ai jeté mon dévolu sur le Passito di Noto, une vendange tardive obtenue à partir de muscat blanc dans le terres de Noto, ville patrimoine Unesco de la province de Syracuse…
Ingrédients pour 6 minne, avec des moules de 7 cm. de larg. x 3,5 de h
Pour la pâte : 245 gr. de farine 45; 3 jaunes d’oeuf, 120 gr. de beurre; 80 gr. de sucre glace, 1 gousse de vanille
Pour la farce : Ricotta de brebis : 300 gr., sucre glace 50 gr., orange confite, écorce d’un orange ou d’un citron; chocolat fondant 50 gr.
Pour le glaçage :sucre glace 250 gr., le blanc de 3 oeufs, 3 cuillères à café de jus de citron, 6 griottes
le tout, possiblement BIO