Il existe – tenez-vous bien – quelque 538 variétés d’olives en Italie, soit 42% du patrimoine mondial ! Bien que l’oléiculture n’en exploite qu’une cinquantaine. Le fruit lui-même (la drupe, du latin drupa oliva, ou olive mûre) est à la base de nombreuses recettes culinaires, et de nombreuses régions, de la Vénétie aux Pouilles, se disputent le titre de « meilleur producteur » dans des concours… jusqu’à la dernière goutte d’huile. Les Marches produisent une variété connue et appréciée depuis l’époque romaine : la verte « ascolana tenera » du genre olea europaea, très prisée parce qu’elle a beaucoup de pulpe (87 %), et un tout petit noyau. Prélevées avant leur complète maturation, les olives sont plongées dans une solution de potassium pour en enlever l’amertume. Après quoi, on les lave plusieurs fois à l’eau et on les met dans de la saumure, pour les conserver. Ce type de production (resté artisanal jusqu’à la seconde moitié du XIXème siècle) n’altère pas les propriétés – nombreuses – du fruit. Les olives ont un fort pouvoir anti-oxydant et anti-inflammatoire, et la majeure partie de leur gras, les monoinsaturés (oméga 9), dont le principal est justement l’acide oléique, contribuent largement à l’action contre les tumeurs et le mauvais cholestérol. Dans les Marches, le lieu par excellence où l’on peut savourer ce cadeau des dieux est la ville d’Ascoli Piceno (d’où le nom de la recette). Petit bourg d’environ 50.000 habitants, à l’histoire plusieurs fois millénaire, situé aux pieds des Apennins, sur le côté est de la péninsule, il s’inscrit dans une terre riche pour l’agriculture et l’élevage.
Les olives à l’ascolane y sont nées au début du XIXème siècle. A l’époque, les paysans devaient porter aux propriétaires terriens des offrandes, comme marque de respect. Que faire de ce surplus de viande de poulet, de veau, de porc ? Les cuisiniers des tables nobiliaires songèrent à l’utiliser pour farcir les olives. Avec le temps, cette tradition devint populaire : on consomma ces olives pendant les fêtes patronales, et puis bientôt comme simple street food de tous les jours (l’énième exemple d’inventivité italienne dans la restauration à bas coût), ou en antipasto, où on les retrouve aujourd’hui dans tous les menus des pizzerias du centre de l’Italie.
Attention, l’air de rien, c’est du boulot ! Première étape : préparer les légumes à hacher pour le ‘soffritto‘ : une carotte, quelques branches de céleri, et un oignon (à mettre d’abord dans l’eau froide pour ne pas pleurer).
Venons-en aux olives. Trouver des vraies ascolane à Paris était mission impossible, en désespoir de cause, j’en ai achetées de grosses en bocaux (toujours italiennes), et je les ai lavées à l’eau courante.
Heureusement, pour les viandes en revanche, pas de problème. Il suffit de se procurer du poulet, du porc et du veau, sans os. Toutes devront être hachées en petits morceaux.
Le soffritto, donc. Dans une poêle, j’ai mis d’abord à chauffer de l’huile extra vierge d’olive. J’ai ensuite ajouté les légumes, et le moment venu, les viandes. Quand elles ont changé de couleur, j’ai mis une pincée de sel, et un verre de vin blanc sec, que j’ai laissé évaporer.
Et maintenant, la tâche plus difficile, le dénoyautage des olives. N’ayant pas les bonnes olives, ni l’habileté des chefs ou des grands-mères qui font des merveilles, j’en ai raté quelques unes. En gros, il faut « éplucher » l’olive comme une orange en partant du sommet et ensuite la laisser tremper dans un bol plein d’eau froide. Croyez-moi, cet exercice vaut bien un stage de bouddhisme zen… Si le dénoyautage est à moitié raté, ne vous en faites pas et surtout ne mettez pas tout à la poubelle, les olives « reconstituées » tiendront à la cuisson.
Bien. Reprenons la farce. Une fois que les légumes et les viandes seront refroidies, il faut d’abord les passer au moulin à légumes. Les trous du filtre étaient un peu trop petits, mais les lames ont quand même permis de presser en quelque sorte l’ensemble, favorisant ainsi l’écoulement de l’eau résiduelle, qui autrement aurait gêné le deuxième passage dans le robot mixeur.
Mixez, pas trop finement.
Râpez une noix de muscade et émiettez des clous de girofle…Mélangez le tout dans un bol, avec l’écorce d’un citron râpé…
Du parmesan affiné au moins 36 mois, râpé lui aussi…
De la mie de pain, émiettée à la main…
Et pour finir, un oeuf. J’ai mélangé le tout à la main, jusqu’à obtenir une boule souple mais compacte, que j’ai laissée au réfrigérateur pendant une demi-heure.
Avant-dernière étape. Il faut donc égoutter les olives (sans les casser) et préparer de la farine 45, de la chapelure de pain, des oeufs battus et la farce.
Et là nouvel exercice zen : chaque olive doit être remplie d’un peu de farce, passée dans la farine, l’oeuf et la chapelure, une première fois, comme sur la photo…et puis, après un passage au réfrigérateur d’une demi-heure, une deuxième fois (farine, oeuf, chapelure) pour garantir l’effet croustillant.
La dernière étape est facile : il faut frire les olives panées dans une grande casserole, avec de l’huile d’olive très chaudes, jusqu’à quand elles soient dorées. Je sais, ce n’est pas un plat très léger, mais les viandes et les oeufs augmentent le valeur protéique et vitaminique des olives, tandis que la chapelure offre la contribution des glucides et le parmesan le calcium essentiel pour l’organisme ;). Le secret donc consiste à ne pas en manger trop, pour le reste…
…il suffira de les avaler avec un bon vin ! Le Passerina présente un bon rapport qualité-prix.Ce cépage, produit dans les Marches, c’est une ancienne variété de blanc parent du Trebbiano, et ainsi nommé parce que la tradition paysanne veut que ses grains soient les favoris des passeri (moineaux).
Ingrédients pour 50 olives ascolane :
pour la farce : veau 50 gr., porc 50 gr., poulet (ou dinde) 50 gr.; mie de pain 15 gr., 1 oignon, parmesan 40 gr., 1 citron, 1 carotte, 1 branche de celeri, 1 oeuf, 1 verre de vin blanc, noix de muscade et clous de girofle (3), sel fin
pour la panure : 4 oeufs, farine de blé 45, chapelure de pain.
pour frire : huile extra vierge d’olive (italien, bio, comme tout le reste)