Vecchia di cavallo parmense (« Vieille » de cheval à la façon de Parme)

dechParler d’une recette à base de viande de cheval, c’est toujours un peu risqué. Non seulement parce que c’est l’animal noble de l’Occident depuis l’Antiquité tardive, mais aussi parce que nous avons encore en mémoire la fraude européenne de 2013, où des industriels faisaient passer de la très mauvaise viande de cheval pour de la viande de boeuf. Il est vrai que le marché de la viande a connu bien d’autres arnaques et maltraitances animales, que ce soit pour les lapins, les poules en batterie, les oies, ou les vaches, mais le tabou alimentaire est plus tenace concernant la viande chevaline…langoEt pour cause : la religion est venue y mettre son grain de sel. La consommation de viande de cheval a été pendant des siècles liée à des traditions socio-culturelles communes à plusieurs peuples, notamment ceux du nord de l’Europe, et parmi les nomades des steppes de l’est, habitués à une économie de subsistance ne faisant pas la fine bouche. Jusqu’à ce qu’un pape du VIIIème siècle, Grégoire III, en décide autrement.gregorio

En répondant dans une lettre, en 732 après J.C., à l’évangélisateur de la Germanie, Saint-Boniface, le pontife interdit formellement l’hippophagie, la qualifiant d’immunda et execrabile (immonde et abominable, rien que ça). L’Eglise chrétienne tentait par là d’éradiquer certains rites du paganisme comme le sacrifice des équidés, en les désignant comme une hérésie (un peu comme le porc est interdit dans le monde musulman et judaïque, tandis que manger du cheval est seulement « déconseillé » dans le Coran…). Les chevaux donc eurent droit seulement à la belle mort sur les champs de bataille, et dans les champs tout court, sous le poids du collier de la charrue. Mais… au début du XVIIIème siècle, les marchands de Venise décidèrent que le moment était venu de (re)lancer la mode culinaire de la viande chevaline, bien que la morale et la tradition eurent encore de beaux jours devant elles, et pas seulement en Italie.belle-epoqueEn France, fille aînée de l’Eglise, il aura fallu attendre plus longtemps pour réhabiliter cette viande : le 7 février 1865, on organisa un somptueux banquet à base de viande de cheval pour cent trente-deux convives enthousiastes au Grand Hôtel de Paris. Parmi eux Alexandre Dumas père, Gustave Flaubert, etc. Les classes laborieuses suivirent bientôt et se mirent à consommer cette viande nourrissante et moins chère que le boeuf, au point que cent ans après on comptait, rien qu’à Paris, 559 boucheries chevalines. Toutefois, les coutumes alimentaires se modifièrent à nouveau à la fin du XXème siècle, les Français des nouvelles générations considèrent le cheval davantage comme un animal domestique que comme un produit alimentaire. La preuve ! en 2017, il n’y a plus que cinq boucheries chevalines dans la capitale…bardigianoEt en Italie ? La tradition de l’hippophagie a tenu tant bien que mal le coup et résisté à la mondialisation et aux scandales alimentaires. Les races pour l’abattage sont peu nombreuses : outre le bardigiano, élevé dans la commune de Prato en Toscane, on importe quelque 40.000 chevaux par an de Pologne, mais il existe des recettes traditionnelles encore très vives dans de nombreuses régions. Dans la Vénétie, il y a la straeca, le diaphragme cuit sur la braise ; à Catane, en Sicile, on cuisine des paupiettes ; entre le Piémont et la Lombardie, terres montagneuses, on peut trouver de la charcuterie de mule et d’âne ; à Lecce, dans les Pouilles, on déguste de tranches à la pizzaiola (à la sauce tomate)…581f49df87b6f2f0f6988c93a912ea90_XLEt puis il y a une vraie exception italienne, la ville de Parme. Mondialement connue pour son parmesan, sa charcuterie (de cochon) et pour ses pâtes (artisanales et Barilla), mais beaucoup moins pour un plat adoré par les locaux depuis 1880 : la Vécia al caval pist, littéralement la Vieille de hachis de cheval, mélangé avec des légumes, des pommes de terre et de la sauce tomate. Encore de nos jours, il y a plus de quarante boucheries chevalines dans Parme et sa province, et des tas de trattorie où l’on peut manger cette véritable institution culinaire à bas coût.Fer

Mais avant d’arriver à  la recette, parlons un instant des particularités de la viande de cheval. Son taux de fer est très élevé, par contre le taux de gras est très bas, avec un faible niveau de cholestérol, donc elle est très facile à digérer et peu calorique. D’une saveur légèrement douçâtre à cause du taux de sucre, elle est très savoureuse.

La recette de la Vécia, en soi, est extrêmement simple, il vous faudra des poivrons, des tomates, un oignon, de l’ail, une carotte, de l’huile et du beurre (si vous n’avez pas de saindoux)…saind

…et bien évidement de la viande hachée de cheval, maigre comme il faut.trita

Commencez par émincer l’oignon.cip

Ensuite, les poivrons.cav4

Laissez fondre un morceau de beurre dans un peu d’huile extra vierge, dans une casserole, à feu doux, et faites-y dorer lentement l’oignon. Ajoutez un demi verre d’eau.
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Entre temps, vous aurez coupé en tout petits dés la carotte, deux gousses d’ail et une branche de celeri.mire

Faites cuire l’ensemble dans le faitout.cav7

Ajoutez encore du persil haché, du poivre, du sel, quelques aromates, et des tomates coupées en deux. Et pour finir, deux pommes de terres.
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Laissez cuire à l’étouffée un moment (environ une vingtaine de minutes), puis versez un verre de vin blanc sec. Augmentez la flamme et laissez évaporer complètement. Le hachis de cheval fait maintenant son entrée.
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Le tout doit cuire encore au moins vingt minutes (à nouveau à feu doux). Vers la fin de la cuisson, faites revenir dans un peu d’huile des pommes de terres coupées en petits dés. Avant qu’elles ne soient tout à fait cuites, ajoutez-les dans le faitout pendant le dernier quart d’heure de cuisson.pommes

Et voilà le résultat. Simple et savoureux.
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A servir rapidement à table.
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Un vin pour accompagner cette petite merveille?spumante Un rouge puissant, ou, dans un tout autre registre, un spumante Colli di Parma A.O.C., à base d’un cépage typique de la région, le Malvasia di Candia.

Ingrédients pour 4 personnes :

400 g. de viande hachée de cheval, deux pommes de terres, deux poivrons, deux gousses d’ail, un oignon, une carotte, une branche de celeri, un demi verre de vin blanc, sel, poivre, persil, aromates

400 g. de pommes de terre pour la garniture

Merci à Sara Ferrari, parmense DOC, pour ses conseils

Un commentaire sur “Vecchia di cavallo parmense (« Vieille » de cheval à la façon de Parme)

  1. Je trouve que les italiens sont monstrueux de manger du cheval ,cet ami de l’homme qui nous porte,qui a travaillé pour nous,et encore aujourd’hui, qui a fait les guerres avec nous,qu’on a utilisé, fait mourir par millier .il mérite le respect et de ne pas finir dans vos assiettes après avoir été mal traité par des hommes minables et sans belles émotions,moi qui aime l’Italie,je ne peux plus vous aimer avec ce que je viens de voir. Au moye âge on les respectait d’avantage !!!!

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