Rafanata materana (omelette au raifort, à la façon de Matera)

Toujours envie de faire une escapade en Italie pour le carnaval ? Auriez-vous peut-être l’intention de vous promener dans les calli de Venise, déguisé en doge ? Sachez alors que pour le clou de la fête, cette année, on attend plus de 120.000 personnes. Et pour des raisons de sécurité, on accédera à la place San Marco seulement après un contrôle de police, et il y aura même des snipers sur les toits…
Permettez-moi alors de vous faire une suggestion : allez à Matera, la « belle inconnue » du Sud de l’Italie, en Basilicate. Sa population tout entière fait la moitié des légions des touristes coincés à Venise, et elle saura vous séduire avec ses recettes typiques du carnaval, dont on parlera tout à l’heure. Sans compter qu’elle est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1993 pour ses beautés artistiques et paysagistes, et sera capitale de la culture européenne en 2019. Surpris, pas vrai ?
Matera est à des années-lumière de Venise, riche et puissante même dans sa décadence. Bien que considérée comme l’une de plus anciennes villes du monde, la petite Cendrillon du Mezzogiorno a dû se développer sur un terrain calcaire aride et a été soumise au passage de toutes les invasions. Par conséquent, ses habitants les plus démunis ont ‘squatté’ pendant des siècles les Sassi, les nombreuses grottes des collines environnantes, dans des conditions toujours plus insalubres, à un point tel que dans les années 50 la ville était devenue une « honte nationale ».
La situation, devenue insoutenable, poussa le président de la République, Alcide De Gasperi, à évacuer la population des Sassi en 1952, pour reloger quelque 16.000 personnes dans des quartiers avoisinants, construits ex novo. Une oeuvre pour l’époque titanesque. Et puis, le vent a tourné… petit à petit sont arrivés les premiers touristes, et même les acteurs hollywoodiens. Entre autres, Richard Gere, Mel Gibson, Morgan Freeman, et Sofia Coppola, dont la famille est originaire de Matera. Tous of course venus sur place pour leur job, mais tous – croyez moi sur parole – subjugués par la cuisine locale. Pour le carnaval, Matera a inventé la rafanata, une sorte d’omelette au raifort (rafano en italien), ingrédient déjà présent dans une autre recette de la Basilicata. La rafanata est préparée entre le 17 janvier, jour du saint Antoine le Grand (fondateur de l’érémitisme chrétien et protecteur des cochons…), et Mardi Gras. Elle partage la table des materani avec les sartascniedd (abats de porc frits) ou le sanguinaccio (crème de sang frais de porc). Dans les années 70, j’ai vu mon frère aîné goûter du vrai sanguinaccio mais il est désormais interdit, le sang est remplacé par du chocolat, mélangé à du sucre, des raisins secs et de la cannelle. fresh grated horseradish on a kitchen table
Le raifort ressemble un peu au radis noir, en plus relevé. Laissez-vous tenter : cette racine a un taux très élevé de vitamines C et B1, et est aussi riche en calcium, en potassium, en magnésium et en phosphore. Elle est même efficace contre les rhumatismes et les affections des voies respiratoires, comme le rhume et la sinusite. Du moins, selon une étude datant de 2006 menée par des scientifiques allemands, qui l’ont efficacement testé face à des antibiotiques…
Il n’y a pas que la racine, dans l’omelette. L’autre ingrédient de base sont les pommes de terre, toujours là pour calmer la faim et le feu du raifort.
Il faut commencer par les éplucher, avant de les faire bouillir dans une casserole pleine d’eau. Vous aurez ainsi le temps de casser des oeufs et les battre dans un bol, avant d’y ajouter…
… de la soppressata, un saucisson piquant préparé en Calabre, en Basilicate et dans les Pouilles, à partir de viande de porc (ou de boeuf) coupée (traditionnellement à la main) en petits morceaux, avec des petits cubes de lard.canestr
Sans oublier un bon morceau de fromage râpé. Du canestrato de Moliterno ou du pecorino doux, deux produits issus des montagnes de la Basilicate.  
Une fois les pommes de terre cuites, il faut les égoutter, avant de les passer dans le moulin à légumes. 
A la purée ainsi obtenue, on ajoute les oeufs, et puis la soppressata, coupée en petits morceaux…
Le fromage, un peu de mie de pain…
Quelques grains de sel et de poivre moulu (par pitié pas des produits en poudre, qui n’offrent aucune garantie de qualité et d’origine)…
Et bien sûr du raifort. Beaucoup. N’ayez crainte, râpez encore et encore, c’est pour la bonne cause. 
Versez le tout dans une poêle (avec un peu d’huile extra vierge d’olive) résistante aux fortes températures du four : 200°C pendant 20 à 40 minutes de cuisson, en fonction des recettes. Moi, je ne l’ai laissée que 20 minutes, et à la moitié de la cuisson j’ai recouvert la poêle avec une feuille d’aluminium, pour empêcher que la surface ne soit brulée.  
Le résultat le voilà. Une omelette bien souple, et prête à être découpée en petites tranches…
…à manger toute seule, ou en compagnie des autres mets décrits plus hauts. En plus, comme d’habitude,  d’un bon vinNostos

Un rouge bio, par exemple, comme le Nostos, à base de cépage Aglianico, cultivé en Basilicata depuis l’arrivée des Grecs, à la fin du VIIIe siècle avant J.C.

Ingrédients pour 4 personnes:8 oeufs, 200 g. de racine de raifort (et bonne chance pour la trouver, à Paris); 400 g. de pommes de terre; 200 g. de mie de pain; 100 g. de soppressata et 100 gr. de fromage râpé; sel, poivre, huile extra vierge d’olive

2 commentaires sur “Rafanata materana (omelette au raifort, à la façon de Matera)

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