Fruffela di Bojano (Fruffela de Bojano)

En tant qu’homme de la mer, je suis fasciné par la culture des montagnards, et je n’ai pas besoin d’aller chercher loin pour établir une comparaison. En Italie du sud, les distances entre ces deux mondes ne sont jamais grandes. Les Pouilles et le Molise en sont un parfait exemple. Les deux régions sont mitoyennes, mais les Pouilles affichent 800 km de côtes, une seule zone collinaire qui ne dépasse pas les 1.000 mètres d’altitude et le Tavoliere, la plaine italienne la plus vaste après la plaine du Pô.MOl2 Le Molise par contre a 55 % de son territoire fait de montagnes (avec des pics à 2240 mètres), et 45 % de collines, avec deux seules petites plaines, celles de Bojano et de Venafro. Néanmoins, ces obstacles naturels n’ont pas empêché toutes sortes d’échanges depuis l’Antiquité. L’un de ces rites ancestraux encore bien vivant est la transhumance, la migration périodique du bétail, des pâturages d’altitude du Molise vers ceux des basses terres des Pouilles, et vice versa. De la province d’Isernia (Frosolone et Bojano), chaque automne – cas unique en Italie – des troupeaux de centaines de vaches de la race podolica (dont on produit le fameux fromage caciocavallo et la mozzarella fiordilatte), descendent vers San Marco in Lamis (dans la province de Foggia, dans les Pouilles, à 200 km de là), pour rebrousser chemin au début du printemps. Vu cet attachement aux traditions, je me suis dit que la cuisine de ces  cowboys modernes devait réserver des surprises. Le résultat de mes recherches, le voici : la fruffela de Bojano !Boia Un mélange des légumes verts bouillis et sautés à la poêle, accompagnés d’une ‘pizza‘ de maïs, lui aussi cultivé sur place. Parlons donc de cette exception molisaine, en commençant avec l’épi vert-or venu de loin…Le maïs fut introduit dans le Molise après la famine des années 1763-64. Cette variété était cultivée par les Turcs, ce qui explique qu’en italien le maïs est désigné aussi par le mot granturco. Mais dans la région, il est connu comme granoneAgostinello, ou cinquantino, et en patois comme grandinije (grano d’India, grain d’Inde, comme on appelait autrefois le Nouveau Monde).F31MPG Presque oublié pendant des décennies, il a été « redécouvert » ces dernières années, en raison de ses qualités : il ne sèche pas le terrain comme le blé, et c’est un substitut aux graminées mineurs, comme le sorgo commun et le millet. Dans les plaines riches en eau, il donne deux récoltes par an, et durant les neuf mois d’attente entre une récolte et l’autre, il permet au bétail de pâturer quelques semaines dans les chaumes. Cette recette met aussi la tradition à l’honneur en ce qui concerne les légumes verts, dont le Molise abonde.colture Elle prévoit l’utilisation de chou frisé, de navets, de blettes, de chicorée scarole, de laitue et de céleri. Le chou, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, est bien présent dans la cuisine des Apennins. Il est en outre un vrai remède miracle contre nombreuses pathologies, riche comme il est en glucides, lipides, protéines et vitamines A, C et K. Les navets sont bourrés de vitamine C, les blettes recèlent des vitamines, des fibres, des sels minéraux et de l’acide folique (vitamine B9), excellent contre l’anémie, la dépression. La scarole elle aussi contient de la vitamine A. La laitue, quant à elle, est riche en nitrates, qui au contact avec les bactéries de la bouche se transforment en nitrites (c’est-à-dire en sels), très bons pour fluidifier le sang… Enfin, le céleri contient du potassium, du phosphore, du magnésium, du calcium, et de la lutéoline, une flavone qui agit comme antioxydant et anti-inflammatoire. Pour finir, on ajoute aussi quelques gousses d’ail, un piment rouge, du poivre, de l’huile extra vierge d’olive, et…on verra après. 
Pour l’instant, il me tarde d’expliquer comment faire la ‘pizza de maïs’. Rien de plus simple. Il suffit d’avoir des poignets robustes et deux casseroles : l’une pour faire bouillir de l’eau, et l’autre pour touiller à feu doux la farine de maïs (bio), mélangée avec quelques cuillères à soupe d’huile, et bien sûr, avec de l’eau, déjà salée.  Attention, la ‘pizza’ ne devra pas être sèche ni trop liquide, mais souple.

Le produit de vos efforts devra être versé dans un plat à four bien huilé, la pâte pressée avec les mains afin de la rendre homogène, et mise à cuire au four entre 180 et 200°C, pendant au moins 45 minutes. Les puristes la feront cuire dans un plat avec couvercle, sur la braise d’un feu de cheminée ou d’un feu de camp…
On aura ainsi le temps pour s’occuper de l’autre besogne : le nettoyage de découpage des légumes verts. 
Attention aux quantités : en bouillant les légumes vont tous réduire de volume.  
Y compris les plus durs.
C’est un travail un peu long, mais nécessaire…  
…qui demande une certaine vélocité pour bien se synchroniser avec la cuisson de la « pizza ».

A la fin, il faudra mettre tous les légumes dans l’eau bouillante, pendant au moins une demie-heure.

C’est là qu’entre en jeu l’ingrédient surprise. Quand on fait des travaux des champs, comme l’agriculteur ou le cowboy, on a besoin de bien se nourrir. Alors, dans le mélange de légumes, un peu de charcuterie de porc (conservée en bocaux avec que de la graisse) ne fera pas de mal. Production locale, cela va sans dire…
Bien. Dernière étape : une fois que les légumes sont cuits à l’eau, on les fait sauter à la poêle, avec de l’huile extra vierge d’olive, de l’ail, le piment, du saucisson en petits dés…
Si les légumes devaient cuire trop vite, il suffira d’ajouter une louche ou deux d’eau de cuisson (mise de côté à l’avance). 
Une fois les légumes prêts, sortez la ‘pizza’ du four et découpez la encore chaude.
Les légumes forts en goût et légèrement relevés s’accordent parfaitement avec la pizza de maïs, croquante sur les bords et moelleuse à l’intérieur.

Voulez-vous boire quelque chose sur cette recette?Pentro Si vous aimez le vin, vous ne serez pas déçus par ce Pentro d’Isernia A.O.C. blanc, à base de çépages Montepulciano et Sangiovese, connu du grand public depuis seulement une dizaine d’années, vingt ans après avoir obtenu un A.O.C.

Ingrédients pour 4 personnes : 500 g. de légumes verts (chou frisé, navet, scarole, blette, laitue, céleri), 300 g. de farine de maïs, deux gousses d’ail, 1 piment rouge, 100 g. de saucisson de porc, huile extra vierge d’olive, sel, poivre

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