2017 a été pour moi une année longue, et souvent difficile. Alors, pour une fois, j’ai voulu sortir le grand jeu, en cuisinant pour la veille de Noël une langouste, vivante de surcroît ! Tâchez de me comprendre. Pour quelqu’un qui est né au bord la mer, comme moi, et qui pour autant n’en avait jamais mangé, c’était un peu le joyau qui manquait à la couronne.
Et puisque on est en France, terre de gens civilisés qui se contentent d’avaler peu de choses, cuisiner pour ma belle famille a été une partie de plaisir, comparée aux diners de fête auxquels j’étais habitué chez moi.
Mais il ne faut pas croire que la langouste est prisée seulement par les ritals. Met raffiné pour la grande cuisine japonaise, exporté à prix d’or par les Australiens et Néo-zélandais, réservé dans les Caraïbes aux gringos fortunés, elle est appréciée même aux Etats-Unis, tant sur les côtes de la Californie qu’en Floride, en valide substitut du plus chiche Mclobster, sandwich à base de petits homards. En Europe, l’espèce (Palinurus elephas) est la même de l’Irlande à la Grèce, et du fait de la qualité de sa chair, elle est, depuis maintes années, l’objet d’un chalutage industriel qui ne respecte pas les cycles de la nature. La pêche au casier, jadis utilisée, était beaucoup moins invasive, mais aussi moins rentable, et donc…
…en 1979, la langouste a été classée espèce à risque et intégrée à la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel européens. En Italie, l’un des endroits les plus prisés pour déguster une bonne langouste est la Sardaigne, terre (mer) bénie où on peut goûter aussi au homard et à toutes sortes de crustacés. Mais la raréfaction de l’espèce est la même que dans le reste de l’Europe, raison pour laquelle la gouvernement régional a mis en place un programme pour repeupler les côtes de l’île de notre bien nommée.

En terre sarde, on cuisine la langouste avec des poivrons verts. Il faut commencer par les émincer, en ayant veillé à retirer en premier lieu ses filaments internes. Les poivrons verts sont moins mûrs des rouges ou jaunes, mais tout de même riches en vitamines A et C. Leur goût légèrement amer offre un parfait contraste avec la douceur de la langouste.
Deuxième étape : préparer un court-bouillon, qui devra mijoter une vingtaine de minutes. J’ai opté pour un oignon rouge, une échalote, une carotte, quelques feuilles de laurier et quelques branches de romarin (ou d’autres aromates, dont l’île regorge).
Place maintenant à la bête, sa majesté. L’exemplaire que voici pesait 990 grammes, ce qui ne doit pas vous impressionner, puisque le poids net, sans la carapace, est environ 60 % plus petit. Cela dit, sa chair est très nourrissante, riche en protéines et sels minéraux, et avec moins cholestérol que la viande de porc, de veau ou de volaille. Impossible de s’en goinfrer, ce qui fait partie de son charme.
Au moment où le court-bouillon arrivait à ébullition, j’ai mis rapidement la langouste (vivante) dans l’eau. Je sais, c’est une pratique qui peut paraître un peu barbare, mais je n’ai constaté aucun sifflement ni « cri » de l’animal. D’ailleurs, la mort est pratiquement instantanée.
Une langouste vivante ne doit pas rester dans le court-bouillon plus de huit minutes, faute de quoi elle deviendrait caoutchouteuse. Gardez donc un oeil sur votre montre.
Laissez-la ensuite refroidir dans le court-bouillon.
Et là voilà, prête pour la deuxième partie de la recette.
Il y a un moyen très simple pour l’ouvrir. Il suffit, avec les mains, de tourner la tête dans un sens, et la queue dans l’autre.
Ensuite, on utilise des cisailles à volaille pour couper le carapace de la queue, et faisant attention à ne pas abîmer la chair. Certaines recettes conseillent aussi de garder le foie (la matière verdâtre contenue dans la tête de l’animal, en l’émulsionnant pour en faire une sauce.
Passons à présent aux ingrédients pour la sauce. Du safran (la Sardaigne est la première région italienne pour sa production), un oignon rouge, un demi verre de vin blanc sec, et des tomates pelées.
Mais avant tout, la langouste doit faire un court passage dans la poêle, à feu vif, dans un peu d’huile extra vierge d’olive (l’huile sarde est l’une des meilleures d’Italie), salée et poivrée.
Dans cette même poêle (mais en ayant retiré la bête), faites dorer l’oignon dans de l’huile.
Ajoutez les poivrons, pendant deux minutes.
Puis les tomates, qui devront réduire un bon moment.
Ajoutez le safran, du persil haché…
Le verre de vin blanc sec…
… Patientez une vingtaine des minutes, avant d’y faire cuire la langouste pendant une dizaine de minutes. Personnellement, j’ai ajouté aussi une queue de langouste congelée (de taille légèrement plus petite) des Caraïbes, à laquelle j’ai fait passer les mêmes étapes que sa consoeur européenne. Sauf que, pour elle, le traitement au court-bouillon a duré vingt minutes. Et au moment de passer à table, j’ai eu la satisfaction de voir mes hôtes bien reconnaître la différence entre les deux, à l’avantage de celle achetée vivante.
Le dressage du plat, finalement, est très simple. Un peu de légumes, avec quelques rondelles de langouste, bien chaude et parfumée des arômes de Sardaigne. Un délice.
Venons-en au choix du vin pour accompagner le plat. La Sardaigne est une excellente terre à vins, mais pour une fois j’ai opté pour une autre île, en choisissant le blanc sicilien C’D’C ‘(Cristo di Campobello) de la province d’Agrigente, à base de trois cépages : Chardonnay, Insolia e Cataratto.
Ingrédients pour deux (trois) personnes :
une langouste vivante d’environ 1 kilo (maximum). Pour le court-bouillon : un oignon rouge, une échalote, une carotte, du laurier et du romarin (ou à souhait d’autres aromates). Pour la sauce : deux poivrons verts, deux sachets de safran, un verre de vin blanc sec, un oignon, une boîte de tomates pelées, un bouquet de persil frais, huile extra vierge d’olive, sel, poivre en grains.