Insalata di puntarelle alla romana (Salade de puntarelle à la façon de Rome)

On dit souvent de Rome que c’est une ville éternelle. Et bien, s’il y a un endroit où le mot garde tout son sens c’est le Campo Marzio, grosso modo les anciens Champs de Mars (non, l’original n’est pas à Paris). Depuis l’Antiquité, ils n’ont jamais cessé d’évoluer : prairies ouvertes au début, elles accueillirent au fur et à mesure des temples et des bâtiments publics et privés. Le Moyen Age et l’époque moderne n’ont fait qu’ajouter quelques couches à l’ensemble.

De nos jours, c’est un endroit à la fois très populaire et très chic, bouillonnant d’activités sacrées et profanes, partagé entre plusieurs rioni (quartiers) : Campo Marzio, Parione, Regola, Sant’Eustachio… de Ponte Sant’Angelo au nord au Portico d’Ottavia au sud, un patchwork d’antiquaires (via dei Banchi Vecchi), de bars (Campo de’ Fiori), de commerces de toutes sortes (via dei Giubbonari), et de squares plus ou moins entretenus, comme le Largo de’ Librari. Avec la petite église de Santa Barbara au fond et des façades latérales délabrées (le tout, posé sur les arcades du Théâtre de Pompée). Rien de plus normal, au centre de l’Vrbs Aeterna

Ce petit havre de paix a tout de même une particularité, il héberge l’adresse « der filettaro« , l’un des lieux cultes pour les gourmets de la cuisine populaire romaine. Et au risque de décevoir les fans de déco d’intérieur, je peux vous dire qu’il est resté « dans son jus » intemporel et sans chichi, dans le mobilier comme dans le menu, basé sur deux chevaux de bataille vraiment romains : le filet de morue panée et la salade de puntarelle (littéralement petites pointes).

J’ai parlé à maintes reprises dans le blog de morue (et stockfish), alors vous m’excuserez si cette fois je préfère dévoiler au grand public les secrets des merveilleuses puntarelle. De la famille des pissenlits, méconnues des Français qui l’appellent « chicorée de Catalogne », elles méritent à juste titre leur heure de gloire. En italien, on dit cicoria asparago (chicorée asperge) pour désigner ces variétés locales, riches en vitamines, avec une pointe d’amertume, qui favorise la digestion. A Rome, on consomme la cicoria catalogna frastagliata cultivée depuis toujours entre Formia, Fondi et Gaeta (dans le sud du Latium).

A Paris, j’en ai trouvé au début du printemps chez un primeur, et leur vue – mieux qu’une madeleine – m’a poussé à les préparer tout de suite, à la romaine. Muni d’un couteau à légumes j’ai donc écarté d’abord la base…

… puis j’ai enlevé les feuilles externes, plus dures. Finalement, il ne reste que la partie interne, composée de plusieurs bouquets de bourgeons, les puntarelle bien nommées. Elles aussi devront être séparées les unes après les autres, et coupées en deux. Vous verrez, à l’intérieur, elles sont creuses, d’où leur légèreté.

A présent, ils faut les mettre dans un saladier…

… avec de l’eau glacée, pendant une heure minimum. N’hésitez pas à joindre quelques glaçons et à placer le bol au réfrigérateur : le froid apaisera l’amertume et les rendra frisées comme il faut.

On aura alors tout le temps pour préparer l’assaisonnement, à base d’anchois et d’ail.

La gousse d’ail devra être émiettée et mise dans un bol, dans lequel on ajoutera les filets d’anchois, eux aussi émincés. Puis il faudra verser un peu d’huile extra vierge d’olive et quelques gouttes de vinaigre blanc (à votre convenance), du sel et du poivre. Le tout sera émulsionné à l’aide d’une fourchette.

Dernière étape : égoutter les puntarelle, et les mélanger avec la sauce.

Voilà : après un filet pané de morue consommé bien chaud, rien de mieux qu’une salade fraîche de puntarelle à la romaine, pour changer radicalement de goût.

Et si vous voulez vraiment respecter la tradition, accompagnez le plat d’un verre de vin blanc mélangé à de l’eau gazeuse. Connu autrefois comme « sciampagnino » (le petit champagne) par le peuple de Rome, c’est un moyen à bas coût pour ne pas rouler par terre, qui met en quelque sorte au goût du jour une coutume déjà pratiquée par « nos ancêtres les Romains ». Roma éternelle ? Sans aucun doute.

Ingrédients :

1 kg de puntarelle, 4 filets d’anchois, 1 ou 2 gousses d’ail, huile, vinaigre de vin blanc, sel, poivre

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