Bruscitt’ di Busto Arsizio (Bruscitti à la façon de Busto Arsizio)

Il faut l’avouer. Pendant des années, Busto Arsizio, commune de 80.000 habitants coincée entre Milan et son aéroport de Malpensa, a joué à contrecoeur le rôle de vilain petit canard, pas vraiment en tête de liste parmi les beautés de la Lombardie à visiter à tout prix. Au même temps, les bustocchi (les gens du coin) pourraient bien être les représentants de toutes les qualités que les Lombards se complaisent à indiquer comme les leurs : ils sont tenaces, travailleurs, économes, fermes face aux difficultés, dotés d’un sens marqué des affaires…

La preuve ? Pendant le dernier quart du XIXe siècle, Busto Arsizio (qui n’avait pas de bonnes terres agricoles) devint la capitale italienne de l’industrie textile, grâce à des familles d’entrepreneurs audacieux (Tosi, Candiani, Milani, Crespi, Pozzi et d’autres, sans oublier Enrico Dell’Acqua, le « prince marchand »). Cela peut paraître de l’histoire ancienne, mais à l’époque la renommée de la ville était telle, qu’elle était connue à l’étranger comme la « Manchester italienne ». Et ce n’était pas un mince honneur, quand on pense à la mainmise anglaise dans la matière. Le savoir-faire italien sut resister à deux guerres mondiales, et pendant les années Cinquante et Soixante, le « boom » économique du pays, le mot chômage à Busto Arsizio fut pratiquement oublié…

Puis vint la globalisation, et un siècle d’efforts fut effacé en l’espace de quelques décennies de mauvaise gestion politique et économique. Mais comme il advient souvent, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Avec la crise irréversible du logement à Milan, métropole d’un million et demi d’habitants à juste 40 km au sud, et l’augmentation du trafic de Malpensa (à 20 km à l’ouest) avec ses 28 millions de voyageurs par an, Busto Arsizio a misé sur une renaissance urbanistique, des transports et des services prompts à attirer des nouvelles générations de travailleurs. Aux dernières nouvelles, le pari a été gagnant. La vengeance du petit vilain canard, en quelque sorte…

Le textile a aujourd’hui disparu, mais le plat préféré de ses ouvriers est resté bien vivant. Il s’agit des bruscitti (miettes), plat de viande de boeuf (ou de veau) coupée en petits morceaux et cuite à la braise. Considérés jadis comme l’apanage des classes « pauvres » parce qu’on utilise les parties moins « nobles » de la bête, il reste néanmoins copieux et nourrissant. Depuis 1975, une association locale défend ce plat traditionnel, et en 2012 le maire de la ville a même institué “ul dì di brüscitt“, le jour de bruscitt’, pour lui rendre hommage (le deuxième jeudi de novembre).

D’ailleurs la viande a toujours été abondante en Lombardie. La région produit 40 % des besoins nationaux, essentiellement issue de la race frisone italienne, plus performante que les races plus anciennes comme la bruna alpina et la varzese. Pour les bruscitti, on utilise quatre morceaux, dont trois sont situés sur le devant de la bête : reale di manzo (collier), cappello del prete (surlonge ou basse côte, la partie haute de l’épaule), fusello (paleron, la partie charnue de l’omoplate). La quatrième en revanche, le diaframma (hampe), est un muscle logé sur le quartier arrière de la bête, entre le filet et la bavette, même s’il est erronément considéré (avec l’onglet) comme l’un des abats.

Que de la viande maigre, mais puisque ils ont des temps de cuisson différents, il vaudra mieux commencer avec le collier et le paleron, plus juteux.

D’abord chaque morceau doit être réduit en miettes (les bruscitt’) d’environ deux centimètres d’épaisseur.

On émiette également de tranches fines de lard blanc salé (celui de Colonnata, en Toscane, convient très bien).

Les ingrédients surprise : une gousse d’ail et du fenouil sauvage, connu dans le patois de Busto Arsizio comme la erba bona (la bonne herbe). Si vous – comme moi – n’en trouvez pas -, utilisez des graines de fenouil bio.

Et c’est parti ! Dans une casserole en fonte, laissez fondre à feu doux une noix de beurre…

Ajoutez ensuite le lard.

Après avoir touillé l’ensemble avec une cuillère en bois, ajoutez les deux premiers types de viande.

Laissez rissoler un court instant, puis ajoutez sel, poivre moulu, les grains de fenouil et la gousse d’ail à l’intérieur d’une poche de gaze, fermée avec un cure-dent. Baissez la flamme, mettez le couvercle et attendez une bonne heure. Puis ajoutez les deux autres types de viande et continuez la cuisson pendant une autre heure. Si l’ensemble devait devenir trop sec, ajoutez à nouveau du beurre. Touillez de temps à autre.

A present enlevez la gaze avec les aromates et versez un verre de rouge corsé. Laissez évaporer complètement à feu très doux (au moins un quart d’heure).

Entre temps, préparez la garniture. Soit des croutons de pain grillé, soit de la polenta de maïs, LA garniture de la cuisine lombarde d’antan. Vous verrez, ils sont parfaitement complémentaires : la viande est un peu corsée et la polenta douce.

En ce qui concerne le vin, on se déplace à une quarantaine de km à l’Ouest, au delà du Tessin, dans la province de Vercelli en Piémont, pour goûter un Gattinara à base du cépage Nebbiolo. Un nectar qui accompagne parfaitement les viandes braisées comme les bruscitt’ !

Ingrédients pour 4 personnes : 250 g. de chaque morceau de viande (collier, basse côte, paleron et hampe), 50 g. (voir plus) de beurre, 50 gr. de lard blanc, une gousse d’ail, grains de fenouil, sel, poivre, un verre de vin rouge. Pour la polenta : vous trouverez mille recettes différentes. Mais si vous êtes pressés, utilisez celle déjà prête…60/70 g. de farine de maïs par personne, plus 1 litre d’eau pour chaque 200 mg de farine, quelques grain de gros sel, et un verre de lait pour la rendre plus souple.

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