
Cette année j’ai pu rentrer au bercail dans les Pouilles, mais plus tard que d’habitude. Je me suis ainsi retrouvé étouffé par la chaleur, et mêlé à d’immenses troupeaux de touristes arrivés d’autres régions ou des provinces reculées, hystérisés par les normes anti-Covid et subjugués par des enchanteurs locaux qui leur promettaient – moyennant finance – des merveilles situées à mi-chemin entre Las Vegas et Disneyland. Etant aux abois, je cru pouvoir m’échapper de la folie ambiante en me réfugiant à Castel del Monte, un lieu féérique, situé dans un hameau sur les hauteurs de la commune d’Andria (à 70 Km à l’ouest de Bari) et généralement délaissé par les « Bronzés » et les « People »…

Que nenni ! Même les grandes salles voutées en pierre jadis arpentées par Frédéric II, empereur du saint empire romain germanique au XIII siècle, étaient envahies par des hordes de tatoués jusqu’aux sourcils, caniche à la laisse, habillés comme des barons colombiens de la drogue et avec l’immanquable portable mis à plat devant la bouche, avec le haut parleur activé. De quoi donner envie de suivre l’exemple de l’Abbé Arnaud Amaury, lors de la croisade des Albigeois…

Heureusement ces sombres pensées se sont évaporées lorsque j’ai pu savourer un plat de la tradition paysanne, autrefois symbole de pauvreté absolue, mais de nos jours apanage des gourmets : les escargots en sauce. Je sais que les Français ne rechignent pas devant ce genre de bestioles, alors je veux vous dire…Celles que l’on mange dans les Pouilles ont plusieurs noms vernaculaires : monacelle, patelle di terra, monicheddrhi, ciamaruchedd…mais restent toujours de la même espèce, le Cantareus apertus, autrement dit escargot de jardin vert. Très semblables aux « petit-gris » consommés en Charente et Poitou, mais plus délicats et juteux.

Après presque vingt ans d’insistance, je les ai obtenus grâce à mon frère, qui me les a offertes avec des airs de conspirateur, chuchotant dans la cuisine de chez lui…on aurait dit une scène entre Louis de Funès et son acolyte. Et pour cause : les escargot des champs sauvages sont devenus très rares, à cause de la pollution ou des pesticides, par conséquent il y a des normes strictes pour les protéger. Pour les trouver il faut se promener longuement aux début de l’automne, après la pluie, lorsque les escargots entrent en hibernation sous terre en fermant l’ouverture de la coquille avec un épiphragme en calcaire (leur propre bave qui durcit), couramment appelé « panna » pour sa couleur blanchâtre.
C’est alors qu’interviennent les « chasseurs ». Ils prélèvent les escargots à la main avant que le processus commence, et les déposent dans des bac remplis de terre avec quelques feuilles de chou ou de laitue, pour les faire manger – et purger – pendant des jours, avant le repos éternel. Mine de rien, les monacelle sauvages peuvent être vendues aux restaurants – et parfois aux particuliers – à 25-40 euro le kg, alors que les acheteurs communs les trouvent en grande surface à 10-20 euro, d’élevage ou en provenance du Maghreb (souvent vendues comme italiennes)…

Si vous êtes partants, je vous montre l’une des façons pour les cuisiner. Tout d’abord, il faut laver les escargots un bon moment sous de l’eau tiède, pour enlever la terre incrustée sur la coquille et toutes traces d’impureté. Vous verrez qu’au fur et à mesure, la « panna » calcaire sautera simplement en grattant avec les ongles. Certes, c’est un travail ennuyeux, mais nécessaire.

Ensuite, il faut les faire bouillir quelques minutes dans de l’eau frémissante avec quelques feuilles de laurier, pour être surs qu’elles soient vraiment nettoyées.

Dernière étape, la garniture. Dans une large poêle, il faut faire réchauffer de l’huile extra vierge, puis ajouter des oignons coupés en rondelles, un verre de vin blanc sec, attendre qu’il soit évaporé…et puis encore des tomates, des feuilles de laurier, du sel et beaucoup de piment rouge, pour bien relever le goût.

Et finalement, les monacelle, qui devront cuire une demi heure sans faire trop réduire la sauce.

Et voilà le travail, à déposer dans des bols, sur de tranches de pain grillé. Pour les manger, il faudra utiliser un cure-dents, ) à moins que vous ne vouliez pas les déguster avec des pâtes sans la coquille…

Deux mots sur le vin qui va avec. J’ai choisi un Negramaro, cépage très puissant et très ancien, utilisé jusqu’aux années Cinquante pour couper les vins français ou du Nord de l’Italie, moins puissants et « rouges »…

…mais depuis quelques décennies il y a désormais pas mal d’A.O.C. cultivés entre Tarente et Lecce, qui vous feront oublier les maux de l’existence…jusqu’au prochain plongeon dans la mer.

Ingrédients pour 4 personnes : 1 kg d’escargots des champs, 500 g. de petites tomates, 1 oignon, 1 verre de vin blanc sec, quelques feuilles de laurier, huile extra vierge d’olive, sel, quelques piments rouges.
Un plat qui plairait beaucoup à mon mari, très friand d’escargots. Bonne fin de soirée
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Un grand merci pour votre article
Nous revenons tout juste du marché de casalabate, où nous avons vue ces petits escargots, sans savoir ce que c’était !
Après une recherche.
Nous sommes tombé sur votre magnifique article
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Toute mon enfance…
Mon nonno les ramenait de lecce, quand il retournait voir sa famille.
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