
« Cos’è la pianura padana/ dalle sei in avanti…È una nebbia che sembra/ di essere dentro a un bicchiere/ di acqua e anice, eh già… »(Qu’est-ce que la vallée du Pô de six heures en avant, un brouillard qui semble d’être dans un verre d’eau et d’anis, et oui)…Ainsi chantait Paolo Conte dans La Filarmonica di Stradella, magnifique chanson d’amour dédiée à une femme, et par réflexe à une terre belle et particulière, la Val Padana (Plaine du Pô). Un immense mosaïque de villes et de paysages qui s’étale du Piémont – en passant par la Lombardie et la Vénétie – jusqu’à l’Emilie Romagne, au cœur de la province italienne typique, au sens d’un ‘territoire lent’, à l’identité locale bien définie.

La partie que nous interesse, au sud est, est la Bassa Padana émilienne, une campagne argileuse et opulente, jadis marécageuse, souvent brumeuse, qui sente le raisin de cuve, l’acidité de la tomate, l’onctueux du lait et le lisier de porc…Les français pourront en retrouver la trace dans les souvenirs de Cavanna ou dans les films de Don Camillo et Peppone (interprétés par Fernandel et Gino Cervi). Ne vous inquiétez pas : les locaux sur place sont restés encrés exactement dans le même diptyque depuis soixante dix ans…Mais la Bassa est aussi un collage de villes, belles et jalouses, jalonnées au longue de la voie Émilienne, de Plaisance (sur le fleuve Pô) à Rimini (sur la côte adriatique).

L’une de ces beautés s’appelle Reggio Emilia. Coincée entre Modène et Parme, comme ses rivales est riche en histoire et en recettes de cuisine. Les italiens la connaissaient surtout pour avoir exposée, la première, le tricolore vert blanc rouge en 1797, mais elle peut vanter des origines bien plus anciennes. Elle fut en effet fondée en l’année 175 avant J.C. par un romain comme je les aime : le consul Marcus Æmilius Lepidus (le même qui conquît les Ligures des Apennins limitrophes et fit construire Luni, Modène, Parme et la voie qui porte encore son nom). Et c’est grâce à lui si elle se retrouva – alors comme aujourd’hui – au beau milieu des champs orthogonaux, cultivés de façon intensive.

Sans oublier les collines des Apennins, à deux pas des champs. Défrichées elles aussi depuis l’époque d’Æmilius, elles constituent l’autre garde à manger des privilégiés citadins de Reggio, grâce à ses pâturages, élevages et basses cours.

Justement la recette du jour se situe entre la plaine et la montagne, et bien évidemment elle est la cause d’une jalousie culinaire avec d’autres beautés régionales qui en conteste la maternité, telle que Plaisance, un peu plus au nord sur la voie Émilienne. Son nom? Bomba di riso (bombe de riz). Appelée ainsi parce que à l’époque de la Seigneurie d’Este sa forme rappelait celle d’un boulet de canon.
Mais à son intérieur, à la place de graines de plomb et de poudre noire, de nos jours on retrouve tout ce qui fait la renommée de Reggio. A savoir : riz, sauce tomate, légumes, beurre, fromage (Reggio partages avec Parme les pâturages pour les vaches qui produisent le lait utilisé pour le Parmigiano Reggiano et tous les produits laitiers qui vont avec), vin, aromates…et viande de pigeon (avec l’anguille, le véritable roi des tables émiliennes dans l’ancien temps).
Intimidé par une telle abondance, je me suis dit que mieux valait choisir des ingrédients de bonne qualité pour tenter de retrouver le vraie goût du plat en question. J’ai commencé alors avec un joli volatile (français) au noble lignage…

…tout en restant populaire pour ce qui concerne les légumes du potager.

Et c’est parti. Première étape : un mirepoix des légumes, à rissoler dans une large poêle avec un fil d’huile extra vierge d’olive et un morceau de beurre. Au bon moment, il faudra ajouter le pigeon, vidé (mais on gardera les abats) et dépecé (j’ai préféré le cuire avant de le désosser, pour me faciliter la tâche).

Deuxième étape : Sel, poivre, une râpée de noix de muscade, une dose de safran, un verre de vin blanc sec, et les abats hachés du pigeon.

Troisième étape : L’ajoute de tomates en conserve ou en coulis (celles de Reggio sont d’excellente qualité pour le standard italien). Surtout n’utilisez pas de concentré, souvent d’infime qualité chinoise. A present, il faut laisser réduire la sauce avec le couvercle sur la poêle, éventuellement avec quelques louches des bouillon végétal.

Entretemps : le riz. Avant de le mettre dans la « bombe », il doit être en partie cuit (10 minutes sur les 17-18 réglementaires ).

Revenons au ragoût de pigeon. La chaire de la bête est désormais prête à être détachée des os. En suite, il faudra émincer les morceaux.

On y est presque : la nouvelle étape consiste dans la fusion du beurre à bain marie dans une casserole avec de l’eau bouillante.

En suite, le beurre fondu sera mélangé au riz (égoutté), avec des oeufs battus…

…Quelques cuillères du ragoût de pigeon, et une bonne dose de fromage râpé. Soit du Reggiano, naturellement, soit du Grana Padano (produit en Lombardie mais à deux pas de la bassa émilienne, plus utilisé du côté de Plaisance).

Bien évidemment, pour faire une bombe il nous faut un boulet. Un moule en demi sphère en aluminium sera parfait pour la tâche. Il suffira de bien bourrer son intérieur…

…avant de le parsemer de chapelure. Etape necessaire, pour ne pas faire coller trop le riz à la surface.

Le riz, justement. Il ira remplir le projectile, sauf une portion centrale que accueillera le ragoût de pigeon. Pour tenir séparés les deux ingrédients, j’ai utilisé un rond de serviette de table en metal, que j’ai enlevé une fois l’opération terminée.

La bomba sera sellée encore par du riz, sur le quel on posera quelques morceaux de beurre, et da la chapelure de pain.

Dernière étape : la cuisson dans le four, tête en haut. Normalement la bomba (posée sur une base fournie avec le moule) sera prête après une trentaine de minutes, à 180°. Le moment plus délicat est le retournement du moule sur un plat de service, après quoi il faudra attendre quelques minutes pour qu’il puisse refroidir. En suite, bonne chance pour le démoulage…

Et..hop ! Voilà la bombe de riz (excusez la qualité de la photo, mais cuisiner et prendre des photos au même temps c’est un vraie tour de magie).

La bombe de riz c’est un plat riche en saveurs et suggestions, qui vous remplira la bouche. Son origine dans la grande cuisine de la Renaissance mélange avec délicatesse et légèreté le doux et le salé. C’est pour ça que la combinaison avec le vin doit être bien choisie. A mon avis, un Pinot Nero dell’Oltrepò pavese fera l’affaire. Le terroir d’origine, dans la province de Pavie en Lombardie, produit des cépages des haute qualité, il est – presque – à km 0 par l’autre terre d’élection de la bombe (Plaisance), et, avec la commune de Stradella, fait partie de celle Pianura Padana chantée si intimement par Paolo Conte…

Ingrédients pour 4 personnes : pour le riz = 400 gr. de riz Carnaroli, 100 gr. de fromage Parmigiano Reggiano (ou Grana Padano), 50 gr. de beurre, deux oeufs, sel, poivre, quelques cuillères de ragoût. Pour le ragoût = 500 gr. de viande de pigeon, 400 gr. de beurre, un verre de vin blanc sec, une carotte, une gousse d’ail, un oignon, une branche de celeri, aromates (noix de muscade, safran, sauge, laurier, thym), un verre de coulis ou poulpe de tomates, sel, huile extra vierge d’olive.